"C'est génial de quitter son ordi et d'aller danser en plein milieu de la journée", dit-elle, noyée dans une foule frénétique de centaines de gens qui se démènent au son de la house, les corps balayés par les spots multicolores et les flash stroboscopiques.
La "Lunch Beat" s'est répandue comme une traînée de poudre en Suède depuis que l'idée en a été lancée par une jeune femme de 28 ans, Molly Ränge, conceptrice de projet.
"J'aime travailler et j'aime sortir danser, explique-t-elle, mais j'étais frustrée de voir que mes deux passions n'étaient pas toujours compatibles... Je me suis alors demandée: pourquoi ne pas combiner les deux?".
Ca a démarré à une petite échelle en mai 2010 dans un garage, avec quatorze personnes "quelque part dans un sous-sol de Stockholm", dit-elle.
Elle voulait s'inspirer de l'esprit du film culte de David Fincher, "Fight Club", et de ses combats de boxe clandestins dans des sous-sols. Mais le succès a été immédiat et son projet a vite dépassé les milieux "underground".
Plus de 300 personnes se sont entassées dans une pièce obscure transformée en nightclub éphémère, le mois dernier à la Maison de la Culture de Stockholm, au coeur de la ville: c'est devenu un lieu habituel pour ces "happenings" qui se produisent environ une fois par mois dans la capitale.
L'objectif est cependant de diversifier les sites. En janvier le Lunch Beat se déroulera dans un musée dans les sous-sols du Palais royal.
"J'aime l'idée qu'on passe d'un garage à un palais", plaisante Molly.
D'autres ont déjà eu lieu dans une dizaine de villes en Suède, ainsi qu'à Belgrade, tandis qu'un autre est prévu à Bogota.
"Je voudrais que ça se développe partout", souhaite Molly Ränge.
Chacun peut lancer un Lunch Beat à condition d'adhérer au manifeste figurant sur le site lunchbeat.org: il stipule que tout le monde doit danser, que l'événement n'a aucun but lucratif, qu'il doit durer pile soixante minutes à l'heure du déjeuner un jour non férié de la semaine et que la nourriture doit être fournie.
Les portes s'ouvrent à midi et une foule de tous âges et professions se rue dans la salle après avoir acheté son billet 100 couronnes (11 euros), destinés à couvrir les frais de location de la salle et le sandwich, toujours végétarien et souvent bio, qui est fourni, avec pour toute boisson, de l'eau.
Des hommes d'affaires en costume se démènent en rythme avec des élèves d'une école de ballet, des retraités et avec quelques enfants même, pendant que le DJ Nadja Chatti électrise la piste avec du house.
Après 20 minutes, Bjoern Erik et Tina Oeye, un couple d'une cinquantaine d'années, se précipitent au comptoir pour prendre un verre d'eau. "C'est un concept formidable!" lance Bjoern, analyste des marchés, en épongeant la sueur de son front.
Sa femme acquiesce. "Nous adorons danser et maintenant nous pouvons le faire dans la journée. Sinon on est déjà au lit quand les boîtes ouvrent leurs portes", ajoute-t-elle.
Gêné de retourner en sueur au bureau? "Non! c'est pour moi un signe de fierté", répond Bjoern.
A côté de lui, Ivar Forstadius danse, son bébé de six mois serré dans un kangourou sur sa poitrine, des protections sur les oreilles. "C'est son deuxième Lunch Beat!" crie-t-il.
C'est le quatrième d'Anders Rasmussen, un grand blond, qui danse avec un collègue. "Je sors beaucoup le soir et de jour c'est différent: personne n'a bu et on peut retourner au boulot".
Pour lui, il est important de se changer les idées pendant la pause déjeuner. "Après j'ai l'impression de mieux travailler", assure cet employé de banque.
www.lunchbeat.org - If It's Your First Time at Lunch Beat, You Have to Dance