Les théâtres subventionnés, du plus petit au plus prestigieux, souffrent: les financeurs publics, Etat et collectivités locales, sont plus regardants en période de disette et boucler les fins de mois est "un combat", résume Olivier Meyer, directeur de théâtre à Suresnes et Boulogne.
"Il y a un terrible effet de ciseau entre les dépenses qui augmentent constamment et les subventions qui n'augmentent pas, voire qui diminuent", explique-t-il.
Parce qu'un théâtre, c'est avant tout "du personnel, 7 jours sur 7, des techniciens, des équipes permanentes, des règles administratives de plus en plus complexes" qui s'accomodent mal de la prise de risque et de la création artistique, souligne-t-il.
À Alfortville (Val-de-Marne), le metteur en scène Christian Benedetti dit ne plus arriver à faire tourner son Théâtre-Studio avec 400.000 euros annuels de subventions publiques et seulement trois permanents. Une situation "schizophrène" veut que ses spectacles ("La Mouette", "Oncle Vania") marchent très bien et partent en tournée jusqu'en 2014, alors que le théâtre tombera le rideau en décembre, faute d'effectif pour le faire vivre.
Le Théâtre Paris-Villette est en cessation de paiement après le retrait du soutien de la Ville de Paris, qui justifie sa décision par la faible fréquentation, alors que son directeur Patrick Gufflet défend une programmation exigeante, qui a lancé Yasmina Reza ou Joël Pommerat. Ce dernier animera un atelier gratuit lors d'une "journée manifeste" dimanche.
Pour le théâtre de création, la subvention publique est un élément indispensable, même si la plupart se démènent en plus pour coproduire, ce qui mutualise les coûts, louer leurs salles, rechercher des mécènes.
A Paris, le Théâtre de l'Odéon a décroché un mécénat original avec la plateforme vidéo Dailymotion qui, outre un apport de fonds, ouvre un espace dédié pour diffuser des interviews, extraits de pièces, etc.
Le Théâtre de la Cité Internationale (TCI) va pouvoir montrer quatre créations grâce au mécénat de la fondation d'entreprise Hermès.
Mais les mécènes, eux aussi touchés par la crise, ne se précipitent pas vers les petites structures, a fortiori en banlieue. "Il vaut mieux être l'Opéra de Paris ou le Châtelet !", lance Olivier Meyer, dont le Théâtre de Suresnes et le Théâtre de l'Ouest parisien à Boulogne peuvent compter sur le soutien fort des municipalités.
Le mécène Pierre Bergé est très sollicité: Christian Benedetti lui a envoyé un dossier. Le directeur du Théâtre de la Ville et du Festival d'automne Emmanuel Demarcy-Mota l'a convaincu de financer pour moitié la venue à Paris en 2013 d'artistes du "bunraku", un art traditionnel japonais ancestral, qu'il espère coproduire avec des théâtres de Lisbonne. "Il faut absolument partager les artistes", souligne-t-il, évoquant "la crise grave qui menace la culture chez nos voisins européens".
Mécénat, recherche active des publics, coproductions: tout est bon aux Bouffes du Nord pour compenser la baisse de 40% de la subvention publique tombée il y a deux ans, lorsque Peter Brook a passé la main à Olivier Mantei et Olivier Poubelle.
Avec 650.000 euros de subvention, le théâtre est sur le fil du rasoir. Il a pourtant assuré 250 représentations l'an dernier, et 250 dates de tournée, en France et à l'étranger ("Le Bourgeois Gentilhomme" de Denis Podalydès, "Une Flûte enchantée" de Peter Brook, etc.).
"L'Etat et la Ville de Paris vont devoir très vite se poser la question de l'avenir des Bouffes du Nord", lance, inquiet, Olivier Mantei.
Théâtres cherchent nouvelle façon de marcher, Clarisse Fabre et Nathaniel Herzberg, Le Monde, 24 octobre 2012 [une pleine page dans l'édition papier datée du 25 octobre 2012 avec le papier suivant]. (accès payant) ICI
– « Une "impasse financière" : c'est l'expression choisie par la Ville de Paris pour justifier son choix de ne plus soutenir le "Paris-Villette", théâtre municipal situé dans le 19° arrondissement, et scène contemporaine emblématique, où des figures comme Yasmina Reza ou Joël Pommerat ont fait leurs premières armes. La décision est tombée le 27 septembre, et depuis bientôt un mois, la mobilisation ne fléchit pas. »
– Il est aussi question du Théâtre de la Bastille, du Théâtre de la Cité internationale et du Monfort.Face à la crise, le Théâtre Paris-Villette résiste comme il peut, Clarisse Fabre et Nathaniel Herzberg, Le Monde, 24 octobre 2012. ICI
La saison du Paris-Villette doit avoir lieu !, Syndeac [Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles], 24 octobre 2012. ICI
Théâtre de l'Odéon : Luc Bondy ne connaît pas la crise, Etienne Sorin (avec François Aubel et Pauline Le Gall), evene.fr, 22 octobre 2012. ICI
BANLIEUE PARISIENNE
Communiqué du Théâtre-Studio - saison 2012-2013 [à Alfortville, Val-de-Marne]. ICI
Communiqué du Théâtre-Studio - saison 2012-2013 [à Alfortville, Val-de-Marne]. ICI
Un an plus tard, aucun accord n'a été conclu avec nos partenaires financiers. »
RAPPEL
Le 5 mars 2012 les quinze scènes nationales et centres dramatiques nationaux d'Île-de-France ont lancé un appel pour dénoncer une baisse de leurs subventions publiques de plus de six millions d'euros en sept ans. En savoir +
ASSEMBLÉE NATIONALE Question écrite de Mme Jacqueline Fraysse (mars 2012),
– Concerne la situation budgétaires du Centre dramatique national (CDN) de Nanterre - Les Amandiers.
+ Réponse du Ministre de la Culture et de la Communication. ICI