Accrochages d'art graphique, salle 68
Le matériel de cet article provient du Musée d'Orsay
Auguste Rodin (1840-1917)
Danseuse (Hanako)
Aquarelle, crayon graphite, H. 38 ; L. 25 cm
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De nombreux artistes ont traduit par le dessin la danse : la légèreté de la danseuse qui s’affranchit des limites de la pesanteur (Carpeaux, Bernard), le tourbillonnement du corps en mouvement (Cappiello, Dehodencq), le plaisir procuré par le spectacle de la danse et la beauté du corps dansant.
Le dessin emploie des méthodes similaires à la danse : mouvement de la main, geste maîtrisé et souple sur un espace afin de dessiner une figure, d'exprimer un rythme, à travers l'aventure d'une ligne.
La danseuse est porteuse de contradictions plastiques particulièrement appréciées par les dessinateurs : légèreté et poids, envol et ancrage au sol, équilibre et déséquilibre, forme et informe, espace et temps…
Dans leurs dessins, les sculpteurs (Carpeaux, Rodin, Bernard, Piot, Bourdelle) se sont particulièrement intéressés à la représentation de la danse et des artistes aussi différents que Fantin-Latour, Dehodencq, Toulouse-Lautrec, Sérusier… ont tenté de traduire le rythme, le tournoiement, le mouvement de la danse à l'aide de toutes les ressources de l'art graphique.
La danse, un voyage dans l'espace et le temps
Lors de l'exposition de 1900, les visiteurs peuvent découvrir les troupes de danseurs des pavillons de l'Inde, de la Chine, du Japon, de l'Egypte. Dans le théâtre indochinois danse Cléo de Mérode inspirée par les arts d'Annam et dessinée par Capiello.
Rythmes et couleurs de l'Orient : À la fin du XIXe siècle, à l'occasion des expositions universelles, les artistes découvrent les danses des pays lointains et de cultures extra-occidentales : les danses asiatiques, annamites, javanaises, khmères attirent l'attention de Toulouse-Lautrec (1889) et de Rodin (1906). Ils en retiennent les rythmes et postures inhabituelles.
Rythmes et couleurs de l'Orient : À la fin du XIXe siècle, à l'occasion des expositions universelles, les artistes découvrent les danses des pays lointains et de cultures extra-occidentales : les danses asiatiques, annamites, javanaises, khmères attirent l'attention de Toulouse-Lautrec (1889) et de Rodin (1906). Ils en retiennent les rythmes et postures inhabituelles.
Des danseuses asiatiques atteignent la célébrité, telles Mata Hari, danseuse javanaise, qui débute en 1905 ou la japonaise Hanako, qui devient l'un des modèles favoris de Rodin. Des artistes voyageurs ramènent de leurs séjours en Extrême-Orient des dessins où éclatent la magnificence des costumes de danseuses hiératiques (Joseph Daviel de la Nézières, Marius Perret).
L'Antiquité rêvée : Un autre exotisme parcourt le XIXe siècle et le début du XXe siècle : celui des temps lointains de l'Antiquité, associés à la mythologie dans les ballets (Fantin-Latour) et à la liberté retrouvée face à la nature dans les nouvelles danses qui voient le jour autour de 1900-1910 : danse libre d'Isadora Duncan, danses des Ballets russes…
Le tournant du XIXe siècle connaît un grand engouement pour la Grèce antique dans les arts ; musique et danse sont associées à un âge d'or antique (Osbert) et à une énergie dionysiaque revalorisée par Nietzsche (Bourdelle, Rodin).
Dessiner les qualités de la danse
Joseph Bernard (1866-1931)Danseuse au voileVers 1912Crayon noir, lavis gris, papier beige, pinceauH. 42,6 ; L. 23,7 cm |
Apesanteur : La danseuse, comme la funambule et l'acrobate, s'affranchit des contraintes du corps. Aérienne, elle incarne la grâce, la légèreté, l'immatériel, l'évanescence. Elle dépasse les limites imposées à l'humain et atteint le surnaturel, à l'instar des génies ailés et des fées.
La légèreté est traduite par les matériaux du dessinateur : pastel poudreux et craie (Armand Berton), graphite peu appuyé, aquarelle et lavis d'encres tout en transparences…
Ce sont les sculpteurs, en prises avec la matière et la masse qui se sont le plus intéressés à cette dimension de la danse (Carpeaux, Joseph Bernard, Rodin).
Mouvement : Le mouvement est au cœur des débats et des recherches des artistes de la seconde moitié du XIXe siècle, notamment en lien avec la naissance de la photographie.
A travers la danse, les artistes tentent de capter le mouvement : l'enchaînement de postures et de gestes, non figés, le rythme et la scansion du corps qui se déploie à travers l'espace et le temps.
Le dessin est particulièrement propice à la captation du mouvement : art où une certaine immédiateté est possible, il peut être réalisé rapidement, supportant reprises, variations, ratures, gommages.
Fruit de l’observation sur le vif ou du travail d’après photographies et d’après chronophotographies, les dessins de danse mettent en œuvre une fraternité de gestes entre le danseur et le dessinateur.
Antoine Bourdelle (1861-1929)Isadora DuncanEncre brune, plume (dessin)H. 21 ; L. 14 cm |
Plaisir : Danseur et danseuses aux corps souples et dénudés, parés ou voilés, sont un objet de désir. La liberté du corps est associée à une liberté de mœurs réelle ou supposée de la danseuse de cabaret et de ballet. Le spectacle de danse appartient au monde nocturne du divertissement et des plaisirs (Bottini, Forain).
Au début du XXe siècle, des danseurs émancipent le corps des carcans traditionnels : Isadora Duncan, inspirée par les ménades, danse pieds nus couverte de voiles à demi-transparents ; Nijinski exprime l'ivresse corporelle du Faune et introduit la sensualité masculine dans un art jusque là très largement dominé par les danseuses tandis que les couleurs et mouvements des voiles de Loïe créent une sensualité indépendante du corps.
Danseuses de Degas
Edgar Degas (1834-1917)Danseuse vue de profil vers la droite ou Danseuse se grattant le dosVers 1874Fusain, pierre noire, rehauts de craie blanche sur papier bistreH. 45 ; L. 30 cm |
Degas, célèbre pour ses danseuses, a inspiré à Paul Valéry l'essai Degas. Danse. Dessin (1936). S'il a beaucoup dessiné les danseuses de ballet en pause, entre deux passages sur scène, se recoiffant, se rechaussant, tordues voire disgracieuses dans leurs positions prosaïques, il a aussi représenté l'extase et la féérie de la danse dans de lumineux pastels, rapprochés dans l'accrochage des dessins qui les ont préparés.
A l'aide de calques, de reprises incessantes, de variations sur un même thème, il cerne son modèle : la danseuse, c'est-à-dire le corps et ses torsions, le spectacle et son éclat, la solitude et le groupe, le travail et la grâce, le point limite entre équilibre et déséquilibre, entre sublime et grotesque, entre le vivant et le mécanique…
"On doit répéter le même sujet dix fois, cent fois" disait Degas, qui, pour maîtriser chaque geste de ses danseuses, les dessina des centaines de fois, au crayon graphite, au fusain, à l'encre, au pastel… et les déclina en peinture et en sculpture.
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