[Texte issu du milieu chorégraphique]
Ce 22 juin 2014
Mesdames et Messieurs, directrices et directeurs de festivals en France
NOUS AVONS TOUT ESSAYÉ, MAINTENANT NOUS SOMMES FURIEUX !
Depuis le 22 mars, nous essayons par tous les moyens de faire entendre, d’une seule voix, l’irrémédiable dégradation des conditions d’accompagnement des plus précaires d’entre-nous qu’entrainerait l’agrément de la convention UNEDIC signée par une « commission paritaire » qui, on le sait, n’en a depuis longtemps plus que le nom.
C’est au nom de TOUS : chômeurs, précaires, intermittents, bénéficiaires du RSA ou pire encore de rien du tout, que notre colère enfle de jour en jour.
Après votre silence, nous n’avons entendu que le murmure d’un engagement qui ne parle jamais d’autre chose que d’art (éventuellement), de Culture (Ah ! LA Culture) et de votre inquiétude pour les intermittents du spectacle.
Ces derniers vous remercient.
Sauf qu’à la suite du gouvernement, vous êtes en train de vous rendre coupable d’une grave méprise par l’omission que vous faites, volontairement ou pas, en ne vous intéressant pas de plus près à ce pourquoi nous sommes en lutte, en grève, ce pourquoi nous provoquons des actions spectaculaires, des blocages pour, inlassablement, tenter de nous faire entendre.
Tandis que la France compte déjà 9 millions de pauvres qui n’ont pas choisi d’être pauvres, tandis que 6 chômeurs sur 10, qui n’ont pas choisi d’être chômeurs, ne touchent pas d’allocation de l’UNEDIC, que la richesse ne circule plus, le gouvernement se dit prêt à agréer un protocole qui entend faire participer les précaires à hauteur de 2 milliards sur le plan d’économie de 50 milliards que le gouvernement a promis au patronat, et vous essayez de sauver les festivals d’aujourd’hui en fermant les yeux sur l’obscène. Ne doutez pas que si ce protocole devait être signé, il gonflerait encore sans délai ces chiffres déjà épouvantables, pour le plus grand profit de l’idéologie inhumaine du MEDEF et de ses semblables au plan international.
En prétendant nous isoler du reste d’un système social qui jusque-là consistait en une solidarité interprofessionnelle, nous artistes, techniciens, personnels administratifs intermittents du spectacle, sommes devenus de fait depuis les annonces de Manuel Valls du 19 juin dernier, un paravent commode pour faire oublier que ce protocole concerne l’ensemble de la population française.
Par ses annonces flatteuses au secteur de la culture et du spectacle vivant en particulier, puis la propagande parfaitement orchestrée et servilement relayée par les médias depuis lors, il aura réussi à vous détourner de l’essentiel : un devoir de citoyenneté.
Car OUI, nous disons ici qu’avant d’être artistes, des techniciens, des administrateurs... participant de près ou de loin à une entreprise culturelle, NOUS SOMMES DES CITOYENS.
Il n’est plus possible aujourd’hui de rester cloitré dans vos citadelles en regardant le monde s’écrouler autour de vous.
La solidarité ne doit pas être seulement un mot, il est urgent d’en faire un acte.
Vous avez une responsabilité historique aujourd’hui vis à vis de cette nouvelle dégradation programmée de notre société.
Au déni de démocratie de la manière dont ont été signés les accords du 22 mars dans les murs du MEDEF, en l’absence de réelles négociations qui auraient notamment pris en compte les préconisations justes et reconnues comme telles du comité de suivi portées pour nous par la CGT-spectacle, vous avez le devoir d’empêcher le déni d’humanité intolérable que le prolongement de l’application aveugle des doctrines néo-libérales aggravera encore.
Sauf à ce que vous ayez une autre idée géniale et aussi percutante, en refusant d’ouvrir vos festivals jusqu’à ce que le gouvernement revienne sur sa décision d’agréer ce protocole, dont il admet lui-même qu’il n’est pas bon, vous disposez et vous le savez du seul levier suffisamment fort pour nous aider, enfin activement, à faire entendre nos revendications. Notre mobilisation individuelle, à fortiori la votre, en charge que vous êtes de hautes responsabilités, est seule capable d’exiger de nos représentants le respect de l’être humain quelles que soient les tractations commerciales, plus ou moins avouables, en cours.
CE QUE NOUS DÉFENDONS, NOUS LE DÉFENDONS POUR TOUS !
Le SYNDEAC a courageusement et intelligemment pris position dès le lendemain de l’enfumage ministériel.
Nous vous demandons solennellement aujourd’hui de vous engager à votre tour et de manière décisive à nos côtés pour exiger une re-négociation de ces accords contre- productifs tant au plan social que financier, et redonner à tous l’espoir d’une gouvernance qui ne serait plus ventriloquée par le patronat.
Il n’est plus question d’attendre, l’urgence est maintenant absolue, nous devons résister ensemble.
Nous comptons sur vous.
Nous sommes artistes, techniciens, personnels administratifs en grève ce jour au Théâtre de la Cité Internationale et ailleurs, mais d’abord citoyens.
Premiers signataires de cette lettre, nos professions n’apparaissent pas derrière nos noms ci-dessous.
Matthieu Doze ; Laurent Pichaud ; Rémy Héritier ; Germana Civera ; Fanny de Chaillé ; Aude Lavigne ; Jonathan Reig ; Chloé Dusuzeau ; Carmen Bagoë ; Pieter Ampe ; Cyril Brossard ; Ondine Cloez ; Steve Paulet ; Charles d’Oiron ; Mylène Lauzou ; Anna Tauber ; Alexandra Brunet ; Clara Chabalier ; Frédéric Seguette ; Julien Princiaux ; Olivier Bertrand ; Olivier Defrocourt ; Chiara Gallerani ; Valérie Castan ;
Devant l’urgence liée à l’ouverture du festival Montpellier Danse 2014 ce jour, nous ne prenons pas le temps de faire circuler cette lettre pour y agréger tout de suite plus de signatures.
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