L'Afrique noire était présente au Festival d'Avignon dans le domaine de la danse à travers Coup Fatal du Belge Alain Platel (1) et At the same time we were pointing a finger at you, we realized we were pointing three at ourselves [soit Au moment où nous pointions un doigt vers toi, nous avons réalisé que nous en pointions trois vers nous-mêmes] de la Sud-Africaine Robyn Orlin. On peut à la fois dire que ces deux chorégraphes (Blancs) sont parmi les plus importants de la scène mondiale, et que ces deux pièces laissent perplexes, pour des raisons différentes.
Coup Fatal est un concert. Alain Platel travaille ici exclusivement avec des musiciens et chanteurs de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, mais qui se trouvent bouger merveilleusement. Le mélange entre musique traditionnelle africaine, guitares électriques et musique baroque fonctionne très bien. La pièce démarre comme une puissante berline et roule jusqu'à bon port à vive allure. Le public est ravi. Mais cette célébration de la Joie laisse sur sa faim par son systématisme. Alain Platel affirme :
Coup Fatal
J’ai régulièrement dénoncé ou mis en lumière ce qui me révoltait dans le monde. Ce que je cherche aujourd’hui, à travers le théâtre et la danse, c’est peut-être une nouvelle manière de me rebeller. J’ai aujourd’hui la conviction que l’on peut se rebeller, faire preuve de subversion, non pas en racontant l’objet de sa rébellion mais en rendant compte d’une joie de vivre qui résiste à la misère et qui semble nous faire défaut ici, en Europe. La joie que Serge et les musiciens manifestent dans leur appropriation du répertoire baroque me semble constituer un message politique bien plus puissant que ne pourrait l’être la chronique de la pauvreté ou de la situation politique en République Démocratique du Congo.
On pourrait parler du "syndrome Pina Bausch", qui expliquait elle aussi au début des années 90 dans une interview au quotidien Le Monde que seule la Beauté l'intéressait. Cela correspondait aussi pratiquement à la fin de l'équipe d'interprètes historiques qui nous ont donné de 1975 à 1990 des pièces inouïes, laissant la place à de jeunes danseurs et danseuses inexpérimenté/e/s et des créations plus faibles. Et penser se rebeller en célébrant la Joie est (politiquement) un peu naïf (au mieux).
La véritable Joie est une lumière au milieu de la nuit, et non au milieu du jour. Elle a besoin du frottement avec la noirceur de la condition humaine pour être authentique. Il faut brûler pour briller a pu écrire le poète États-Unien John Giorno.
At the same time... de Robyn Orlin donne le sentiment de ne pas avoir de véritable sujet et de rester ainsi à la surface des choses. Pourtant, dans une interview à Culturebox (ici), elle explique :
Dans les deux cas, faute de propos solide, demeure l'image de bons et gentils Africains. Face aux discours de haine qui prospèrent, on peut faire crédit à la démarche. Mais manquant singulièrement de complexité, le tout n'est guère plus probant cependant de ce que serait l'image de bons et gentils Européens.
Coup Fatal, Serge Kakudji, Fabrizio Cassol et Alain Platel, Cour du lycée Saint-Joseph. 4-13 juillet, 22h. TOURNÉE ici
At the same time we were pointing a finger at you, we realized we were pointing three at ourselves, Robyn Orlin, Gymnase du lycée Aubanel, 13-18 juillet, 18h. TOURNÉE ici
La véritable Joie est une lumière au milieu de la nuit, et non au milieu du jour. Elle a besoin du frottement avec la noirceur de la condition humaine pour être authentique. Il faut brûler pour briller a pu écrire le poète États-Unien John Giorno.
Coup Fatal
At the same time...
At the same time... de Robyn Orlin donne le sentiment de ne pas avoir de véritable sujet et de rester ainsi à la surface des choses. Pourtant, dans une interview à Culturebox (ici), elle explique :
C'est donc plutôt de se disperser qu'il s'agit ici.De quoi parle cette pièce ?Elle parle de beaucoup de choses à la fois : du corps avant tout, comment est-il utilisé pour raconter des histoires ? Elle parle aussi du comportement humain, comment il peut être axé sur le corps. Elle parle de la vie en communauté en Afrique, comment on se regroupe pour se faire un peu d’argent, ou dans le cadre d’une cérémonie d’initiation, moment important où l’on gère tous les problèmes qui se posent dans la communauté. J’ai aussi voulu évoquer ce qui se passe en France (référence est faite aux résultats électoraux du Front national, et dans la pièce Marine Le Pen est évoquée dans un rituel imaginaire, ndr) - et dans le monde - et dire que c’est important. Puis, il est question des femmes, de leur place dans la société et aussi de la place des hommes. Cette pièce parle aussi d’homosexualité. Ce n’était pas le cas avant, ou en tout cas je n’en avais pas conscience. Et pourtant en Afrique, comme dans le monde, il y a beaucoup d’homophobie. Et je pense qu’il faut en parler.
Dans les deux cas, faute de propos solide, demeure l'image de bons et gentils Africains. Face aux discours de haine qui prospèrent, on peut faire crédit à la démarche. Mais manquant singulièrement de complexité, le tout n'est guère plus probant cependant de ce que serait l'image de bons et gentils Européens.
Fabien Rivière
Coup Fatal, Serge Kakudji, Fabrizio Cassol et Alain Platel, Cour du lycée Saint-Joseph. 4-13 juillet, 22h. TOURNÉE ici
At the same time we were pointing a finger at you, we realized we were pointing three at ourselves, Robyn Orlin, Gymnase du lycée Aubanel, 13-18 juillet, 18h. TOURNÉE ici
— Photos : Coup Fatal - Chris Van der Burght.
At the same time... - Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon.
(1) Coup fatal est signé, plus précisément, Serge Kakudji, Fabrizio Cassol et Alain Platel. Le premier est contre-ténor, le deuxième assure la direction musicale. Mais c'est bien ce dernier qui a la charge de la « direction artistique », selon la feuille de salle. Même si dans l'interview présente dans la même feuille Platel indique : « Ma place est celle d’un collaborateur qui intervient sur les questions scéniques et dramaturgiques et non pas celle d’un directeur artistique. »
At the same time... - Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon.
(1) Coup fatal est signé, plus précisément, Serge Kakudji, Fabrizio Cassol et Alain Platel. Le premier est contre-ténor, le deuxième assure la direction musicale. Mais c'est bien ce dernier qui a la charge de la « direction artistique », selon la feuille de salle. Même si dans l'interview présente dans la même feuille Platel indique : « Ma place est celle d’un collaborateur qui intervient sur les questions scéniques et dramaturgiques et non pas celle d’un directeur artistique. »
At the same time...
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