Le président du Medef, Pierre Gattaz, sur le perron de Matignon, le 29 janvier 2014
Beaucoup nous demandent : « On en est où ? ». Question courte mais la réponse pourrait prendre des heures. Pour résumer : Valls met en place une « concertation » censée mettre à plat le régime de l’intermittence.
Quatre tables rondes sont organisées au mois de juillet, nous y participons de manière offensive, mettant en avant nos propositions.
Plusieurs points essentiels sont abordés :
- Pôle Emploi et Pôle Emploi Service sont des zones de non droit. Des dossiers sont bloqués sans preuve, les chômeurs stigmatisés et considérés à priori comme des fraudeurs, des contrôles mandataires exercés sur les plus faibles structures sans aucune raison objective, tout est fait pour priver de droits les 4 chômeurs sur 10 encore indemnisés
- Le GUSO n’échappe pas à ce constat : des règles inventées au quotidien pour que des heures travaillées et déclarées ne soient pas comptabilisées dans les 507 h
- Nous voulons des droits pour les congés maternité et maladie, des règles adaptées à la discontinuité
- Nous voulons un modèle d’indemnisation redistributif, mutualiste et non assuranciel. Pour rappel ce sont les exclus du régime qui financent les assedics versés aux salariés à haut revenus. Pour cela, revenir sur un principe de date anniversaire, 507 h, 12 mois. Nous demandons à avoir les chiffres de l’unedic, que les simulations soient vérifiées par nos experts. Pour cela, travailler à partir des fichiers source est indispensable. Sinon nous subirons toujours les mensonges des publications de l’Unedic qui, je le rappelle, est au service du Medef.
- Nous avons remis en cause ce paritarisme. Il faut le crier haut et fort : le dialogue social dont on nous parle tous les jours n’existe pas : le Medef a 50% des voix, aucun accord ne pourrait être signé sans lui. Il a donc de fait un droit de Veto. Pas étonnant que tout se passe dans ses locaux selon sa feuille de route.
Suite à cela, il est décidé de reprendre à la rentrée sous forme de table de travail. Le 18 septembre nous étions invités à participer à 2 « ateliers » en parallèle :
- Protection sociale : Congés maternité, maladie, retraite
- Rapports avec Pôle emploi, Pôle emploi service, guso
Nous avons décidé de mandater celles qui avaient le plus travaillé ces questions à savoir :
- Collectif « les matermittentes » pour l’atelier sur la protection sociale
- Recours Radiation (association d’aide aux chômeurs) pour l’atelier Pôle emploi
Une fois de plus, ces ateliers ne sont pas du tout à la hauteur de l’enjeu. Nous avons d’abord demandé à ce qu’ils soient prolongés, comment évoquer tous les problèmes en 3 heures ? Et bien non, on en restera là. Pour résumer, il n’y a absolument aucune volonté de régler tous ces problèmes. Ou plutôt on cherche à colmater des énormes entailles avec du sparadrap. Les éléments de réponse éventuellement apportés sont inacceptables, des micro mesures par ci par là. Nous n’avons toujours pas les fichiers de l’Unedic, et lorsqu’il est demandé à Jean-Patrick Gille : « Peut-on savoir quand la comparaison des modèles d’indemnisation aura lieu, sur quelles bases, avec quel fichier ? », sa réponse est « Je n’ai pas à répondre à vos injonctions ». De plus, nous allons clairement vers un petit toilettage pour éteindre le feu : le différé d’indemnisation annulé et financé par l’état provisoirement sera certainement prolongé. Il faudra anticiper cette fausse bonne nouvelle. Nous aurons à rappeler que le problème de fond n’est pas du tout celui-là, que nous avons des propositions justes, qu’une aide de l’état est toujours discrétionnaire et peut disparaître du jour au lendemain, que nous sommes contre le début d’une caisse autonome mais pour de vrais droits collectifs.
Ces tables rondes mettent en avant le fond du débat : le dossier est politique et il exige une réforme en profondeur. Une grande réforme de société. Nous vivons dans un monde pensé pour l’emploi stable. Il faut cependant rappeler que les chômeurs à activités réduites sont passés de 500 000 à 1,7 millions en 20 ans, 86% des embauches se font en CDD, l’intermittence n’est pas réservé au secteur du spectacle, l’intermittence de l’emploi touche tout le monde. L’inadaptation de notre monde à la discontinuité, voilà l’enjeu. Et cette phrase est une cruelle réalité pour les malades et femmes enceintes non couverts par la sécu parce que non indemnisés par l’assurance chômage. Nous ne nous en sortirons pas avec notre petite réserve d’indiens, stigmatisés comme privilégiés et bénéficiaires d’un régime trop généreux. Après avoir démontré qu’un intermittent du spectacle ne coutait pas plus cher qu’un autre chômeur, que notre déficit n’en était pas un, qu’il fallait arrêter de baisser la tête sur le thème des privilèges, il faut affirmer qu’il n’y a pas de honte à travailler de manière discontinue. Cette intermittence, choisie ou subie, doit être couverte. Les droits doivent être attachés à la personne. Contrairement aux idées reçues, donner des droits aux précaires, c’est aussi renforcer les droits pour les salariés à l’emploi stable. Que se passe t-il actuellement ? Les salariés en CDI savent qu’une armée de réserve peut prendre leur place. Ainsi, toutes les conditions sont acceptées et gare à celui qui discute. Oui, la règle est simple : moins il y a de droits pour les chômeurs, plus le lien de subordination (celui qui lie un employeur au salarié) est important. On comprend mieux pourquoi le Medef tient absolument à garder la main mise sur l’assurance chômage, il met en place son projet avec la complicité de tous les gouvernements. Pour rappel sur les 50 milliards d’euros d’économie en 3 ans du pacte de responsabilité, 2 milliards sont prévus pour l’assurance chômage. Autrement dit cette économie sur le dos des pauvres a été conjointement décidée par Hollande et le Medef. Et ces réformes ne provoquent aucun remous pour une raison principale : la refondation sociale dictée par le Medef à savoir des domaines réservés (comme la gestion de l’Unedic) sur lesquels il est clairement demandé aux politiques de ne pas intervenir. Ainsi nous vivons dans un monde où des dirigeants politiques parlent de plein emploi et ont des recettes pour cela. Comment peuvent-ils penser que leurs promesses sont crédibles ? Qui peut croire que 6 millions d’emplois stables seront créés ? Pourquoi ce dictat de l’emploi à tout prix ? Nous ne cesserons de rappeler que 6 intermittents sur 10 tout comme 6 chômeurs sur 10 ne sont pas indemnisés. Imaginons 6 malades sur 10 non couverts par la sécurité sociale ! Nous, intermittent du spectacle, savons à quel point la continuité de revenu sur une discontinuité d’emploi est un enjeu majeur. Nous nous devons de porter ce débat haut et fort, nous devons partir de notre expérience et convaincre, nous devons nous battre pour une société adaptée à nos pratiques.
Oui nous devons continuer à participer à cette concertation, et nous continuerons à exiger des réponses. Mais ne nous voilons pas la face : nous n’obtiendrons rien sans un grand mouvement national. Alors mobilisons-nous autour des questions suivantes, qui pourraient être des slogans à marteler partout :
- Le dialogue social n’existe pas
- 10 chômeurs sur 10 doivent être indemnisés
- Des droits adaptés à la discontinuité de l’emploi
- Faisons de l’assurance chômage un grand enjeu national
Samuel Churin [21 septembre 2014]
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