Samuel Churin,
porte-parole de la Coordination des Intermittents et Précaires d'Ile-de-France
Capture d'écran Espaces Magnétiques
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Le Medef en rêvait, Valls l’a fait
A l’heure où Manuel Valls vient de faire sa déclaration, tous les médias s’interrogent sur les festivals. La question n’est pas là. Il s’agit de répondre sur le fond à la grande entreprise de communication menée par le gouvernement. Oui ce sont des communicants mais ce soir les pistes avancées sont dangereuses.
Que disons-nous depuis le début ? Depuis 2003 la maison s’écroule. Cette maison c’est l’accord de 2003 qui fait 70% de précarité en plus. Cette précarité est due à des ruptures de droits inédites : pendant 1 mois, 2 mois et beaucoup plus, des intermittents se retrouvent sans droits, passent par la case RSA, font des petits boulots. Cet accord est aussi injuste que coûteux. Ce sont les exclus du régime qui financent les assedics versés aux salariés à hauts revenus. Le scandale n’est pas l’argent qui est dépensé mais comment il est dépensé. Cet accord a été dénoncé par tout le gouvernement lorsqu’il était dans l’opposition. Toute la « gauche » soutenait nos propositions vertueuses, basée sur un principe de redistribution. Sur cette maison croulante a été ajoutée une couche de peinture acide : les 2 mesures qui aggravent le dispositif à savoir un différé d’indemnisation et une surcotisation de 2 % qui impactera fortement les petites structures et tous les salariés. Cette dernière aggravation n’est pas remise en cause.
Manuel Valls communique en finançant le différé (une toute petite partie du problème) pendant les quelques mois à venir. Il communique de la même manière que Rebsamen le fait depuis le début en isolant une toute petite partie du problème.
Il oublie qu’il renie ses engagements passés, ceux qui nous promettaient de soutenir nos propositions. Oui c’est une immense trahison.
Ainsi quand Manuel Valls loue un système « original et protecteur » il est en retard de 11 ans. Hélas le système oublie d’en protéger beaucoup.
Ainsi quand Manuel Valls ose dire que « la précarisation est due aux dérives et aux abus » il ment : la précarisation est due au Medef et à la Cfdt qui ont signé un texte mortifère en 2003 aggravé le 22 mars dernier.
De plus Manuel Valls osent justifier sa signature de l’accord par les droits rechargeables mis en place dans le régime général qui selon lui « accroissent les droits des plus précaires ».
Et bien c’est le contraire qui va se produire. Les droits rechargeables, c’est le rêve du Medef. C’est la course aux petits boulots avec des droits de misère. Et ces droits rechargeables seront néfastes aussi pour les intermittents qui accepteront des petits boulots hors annexes 8 et 10. Lorsque ces droits seront ouverts, toutes les heures de travail effectuées compteront pour le régime général et non pour les annexes. C’est dire à quel point toutes les mesures de cet accord sont liées les unes aux autres.
Sur le fond, cet accord est lié au pacte de responsabilité. Sur les 50 milliards d’euros d’économies en 3 ans, 2 milliards d’euros sont réservés à l’assurance chômage. Faire des économies sur le dos des pauvres, c’est la justice sociale voulue par François Hollande et le Medef. Et les intérimaires ont été sacrifiés.
Au moment où 6 chômeurs sur 10 ne sont pas indemnisés, comment supporter que ce gouvernement se cache derrière les partenaires « sociaux ». Imaginons que 6 malades sur 10 ne soient pas couverts par la sécurité sociale. Oui cette gestion est un massacre pour tous les précaires de ce pays.
Mais la pire des annonces de ce soir et la seule véritable promesse de Manuel Valls est que l’état va participer au financement des annexes 8 et 10. Le Medef et la CFDT en rêvaient depuis longtemps, aucun gouvernement de droite n’avait osé, ces traitres l’ont fait. Ceci est une catastrophe. C’est le début de la caisse autonome.
Alors que Manuel Valls a passé le début de son annonce à vanter les retombées économiques du secteur, autrement dit la solidarité interprofessionnelle, autrement dit que tous les emplois générés par nos activités (employés de restaurants, hôtels etc ..) sont des cotisations pour l’assurance chômage, le gouvernement s’apprête à financer une partie des annexes. C’est contraire au principe de solidarité pensé par le Conseil National de la Résistance, où les actifs cotisent pour les inactifs, les travailleurs pour les retraités, les bien portants pour les malades. Ce financement pourra être retiré du jour au lendemain, le jour où l’état le décidera, le jour où les futures élections les renverront dans l’opposition pour longtemps. Ce financement est dangereux et toxique.
Hier mercredi 18 juin a eu lieu une réunion historique du comité de suivi à l’Assemblée Nationale. Tous les députés et sénateurs, toutes les organisations ont parlé d’une même voix à Jean-Patrick Gille. Tout d’abord les députés PS entre autres ont rappelé qu’ils ne pouvaient pas critiquer un accord dans l’opposition et le soutenir dans la majorité. Puis nous avons tous insisté sur le fait qu’une discussion ne pouvait avoir lieu si l’accord était agréé.
Que se passe-t-il ?
Le gouvernement valide le texte pour 2 ans et nous propose à posteriori de discuter.
Pourquoi cette table ronde réunissant tous les concernés n’a pas eu lieu avant ?
Pourquoi les syndicats signataires ont-ils toujours refusé de nous rencontrer ?
Au lieu de cela, on nous propose de nouvelles discussions qui déboucheront sur un nouveau rapport. Nous connaissons tellement cela. Nous avons tout fait, participé à des missions d’informations parlementaires à l’Assemblée et au Sénat, à des commissions, créé le comité de suivi, discuté avec les ministres. Tout cela ne sert à rien.
Pourquoi ? Parce que des oligarques tout puissants se réunissent dans les bureaux du Medef pour décider de nos vies, parce que ces intouchables sont redoutés par un état qui se déclare impuissant, obligé de valider toutes leurs réformes au nom du « dialogue social ».
Il est urgent que ce paritarisme à la dérive dont les membres signataires ne défendent plus depuis longtemps les premiers concernés soit réformé.
L’état qui, pourtant, couvre la dette de l’Unedic si mal gérée n’ose pas prendre la seule décision qui s’impose : remettre en cause le pouvoir insolant de ceux qui participent à rendre les précaires encore plus précaires.
A l’heure où notre pays compte 9 millions de pauvres, à l’heure où les politiques d’austérité sont une véritable déflagration, l’état doit faire de l’assurance chômage une grande cause nationale, c’est le meilleur levier contre la précarité.
Notre combat est celui de tous, celui de la prise en compte des contrats courts, celui des travailleurs pauvres, celui des laissés pour compte.
Notre modèle est attaqué pour ces raisons, nous ne cessons de le dire.
Un jour viendra, je l’espère, où la femme de ménage du « quai de Ouistreham » de Florence Aubenas dira NON et se battra pour obtenir des droits qui lui sont refusés.
Oui ce que nous défendons, nous le défendons pour tous
René Char écrivait : « Signe ce que tu éclaires et non ce que tu assombris »
Ce soir, dans sa grande déclaration d’amour pour la culture, Valls a choisi le Medef.
Nous n’avons pas les mêmes lectures.
La lutte continue