Karl Saks dans People in a Field, Capture d'écran Espaces Magnétiques
Le danseur et chorégraphe Français Simon Tanguy a été découvert en juin 2010 lors de la première édition du concours Danse élargie au Théâtre de la Ville (Paris). Il a remporté avec deux compères rencontrés à Amsterdam durant sa scolarité dans l'école d'enseignement supérieur qu'est le SNDO (School for New Dance Development) — le Français Aloun Marchal et l'Espagnol Roger Sala Reyner, performer chez Meg Stuart et Jefta van Dinther — le second prix bien mérité avec Gerro, Minos & Him (cf. photo à droite). Depuis, nous en sommes à trois éditions, et cette proposition demeure à ce jour ce qui est arrivé de mieux à cette manifestation (sur un total de 60 pièces).
Il fallait développer les 10 minutes présentées. Ce fut fait à Amsterdam en février 2012 (lire notre compte-rendu, De la peau aux os). Le sommet fut atteint en septembre de la même année à Genève dans la petite salle minérale du Théâtre de l'Usine. À Amsterdam, les interprètes s'étaient rhabillés, alors qu'à Genève ils n'étaient recouverts que d'un simple tee-shirt, dans une relative nudité.
Mais la version finalement présentée de Gerro, Minos & Him un an plus tard en septembre 2013 dans la salle des Abbesses du Théâtre de la Ville laissait perplexe. Plutôt que de permettre au matériel corporel inouï une juste maturation et de le laisser vivre tranquillement dans la pluralité de ses strates et de ses sens, Simon Tanguy préféra le tirer vers « l'humour », en « jouant avec le spectateur ». Et s'il s'agissait de cabotinage ? Quoiqu'il en soit, au fil des jours, la fatigue physique s'installant, on retrouva en partie l'origine.
À vrai dire, les trois collègues sont, face à ce matériel extra-ordinaire, comme Obélix tombé dans la potion magique. Comme malgré eux. Traversés, mais en partie dépassés.
Gerro, Minos & Him fut précédé d'un très bon solo, Japan (cf. photo ci-dessus) proposé aussi dans la salle des Abbesses du Théâtre de la Ville en septembre 2011. Il fut poursuivi dans un fort bon triptyque Japan.Fever.More, constitué de deux soli et d'un duo avec sa compagne, présenté dans le cadre du Festival Incandescences, à Rosny-sous-Bois (5 km à l'est de Paris).
People in a Field est dévoilé cette semaine aux Abbesses (cf. Agenda Janvier ici). C'est une nouvelle étape du parcours, puisque le chorégraphe doit pour la première fois gérer une équipe qui n'est pas constituée de proches. Ce dernier explique que le titre est difficilement traduisible mais propose Des gens dans un lieu. On pourrait tout aussi bien traduire, de façon plus abstraite et plus ample, par Peuple dans un champ (au sens que la physique donne au terme de champ, sous-entendu de forces). Les deux sens étant finalement assez proches. Et d'ailleurs les interprètes portent des vestes de survêtement où sont marqués au dos leur nationalité : Japan, Morocco, Estonia, Hungary, Poland.
La création de 55 minutes est construite en trois parties. La première est théâtrale, dans ce qu'elle mobilise beaucoup le visage (mais pas la parole) et une certaine façon de se mettre en scène dans l'espace. Encore faut-il que les deux danseurs et les trois danseuses maitrisent une certaine technique théâtrale, qui en fait ici est inégalement répartie. On observe ainsi l'excellent Karl Saks (Estonie). On se dit — on l'espère — que Radouan Mriziga murira bien. Les trois danseuses sont plus faibles. Ces « gens » roulent des mécaniques, font les malins, une jeune femme hurle au sol devant le mur du fond. C'est assez ados régressifs et têtes à claques, sans le charme souvent associé à cet âge. Cela manque de maturité. On est soulagé quand advient la deuxième partie purement dansée — où les cinq interprètes sont plus homogènes — qui mériterait d'être encore explorée. On aurait aimé qu'elle constitue la colonne vertébrale de la pièce. Mais c'est sans compter sur la troisième partie, très théâtrale, qui engage la parole. Pour l'essentiel des propos peu pertinents. La musique rock est jouée live à droite du plateau par un batteur et deux bassistes. C'est convenable, mais on pourrait attendre mieux musicalement. Forts bonnes lumières de Pablo Fontdevila.
La projet de la pièce est beau : « 55 minutes pour tenter une utopie ». Confrontant l'espérance des jeunes gens des années 60 à celle qui pourrait advenir aujourd'hui (mais sans rien proposer ou construire). Simon Tanguy défendait il y a quelques années l'idée d'un corps comme radio-transmetteur des sursauts du monde. Encore faut-il être suffisamment branché sur le monde, et disposer d'assez d'énergie et de solidité (comme William Forsythe ou Anne Teresa De Keersmaeker).
La proposition se situe au dessus de la production courante, mais en dessous du meilleur de celle-ci (cf notre Le meilleur de 2014). Elle manque sans doute de temps de recherche, et d'un travail de pensée plus solide.
Il fallait développer les 10 minutes présentées. Ce fut fait à Amsterdam en février 2012 (lire notre compte-rendu, De la peau aux os). Le sommet fut atteint en septembre de la même année à Genève dans la petite salle minérale du Théâtre de l'Usine. À Amsterdam, les interprètes s'étaient rhabillés, alors qu'à Genève ils n'étaient recouverts que d'un simple tee-shirt, dans une relative nudité.
À vrai dire, les trois collègues sont, face à ce matériel extra-ordinaire, comme Obélix tombé dans la potion magique. Comme malgré eux. Traversés, mais en partie dépassés.
Japan, Photo Nellie De Boer
People in a Field est dévoilé cette semaine aux Abbesses (cf. Agenda Janvier ici). C'est une nouvelle étape du parcours, puisque le chorégraphe doit pour la première fois gérer une équipe qui n'est pas constituée de proches. Ce dernier explique que le titre est difficilement traduisible mais propose Des gens dans un lieu. On pourrait tout aussi bien traduire, de façon plus abstraite et plus ample, par Peuple dans un champ (au sens que la physique donne au terme de champ, sous-entendu de forces). Les deux sens étant finalement assez proches. Et d'ailleurs les interprètes portent des vestes de survêtement où sont marqués au dos leur nationalité : Japan, Morocco, Estonia, Hungary, Poland.
People in a Field, Photo Constantin Lipatov
La création de 55 minutes est construite en trois parties. La première est théâtrale, dans ce qu'elle mobilise beaucoup le visage (mais pas la parole) et une certaine façon de se mettre en scène dans l'espace. Encore faut-il que les deux danseurs et les trois danseuses maitrisent une certaine technique théâtrale, qui en fait ici est inégalement répartie. On observe ainsi l'excellent Karl Saks (Estonie). On se dit — on l'espère — que Radouan Mriziga murira bien. Les trois danseuses sont plus faibles. Ces « gens » roulent des mécaniques, font les malins, une jeune femme hurle au sol devant le mur du fond. C'est assez ados régressifs et têtes à claques, sans le charme souvent associé à cet âge. Cela manque de maturité. On est soulagé quand advient la deuxième partie purement dansée — où les cinq interprètes sont plus homogènes — qui mériterait d'être encore explorée. On aurait aimé qu'elle constitue la colonne vertébrale de la pièce. Mais c'est sans compter sur la troisième partie, très théâtrale, qui engage la parole. Pour l'essentiel des propos peu pertinents. La musique rock est jouée live à droite du plateau par un batteur et deux bassistes. C'est convenable, mais on pourrait attendre mieux musicalement. Forts bonnes lumières de Pablo Fontdevila.
La projet de la pièce est beau : « 55 minutes pour tenter une utopie ». Confrontant l'espérance des jeunes gens des années 60 à celle qui pourrait advenir aujourd'hui (mais sans rien proposer ou construire). Simon Tanguy défendait il y a quelques années l'idée d'un corps comme radio-transmetteur des sursauts du monde. Encore faut-il être suffisamment branché sur le monde, et disposer d'assez d'énergie et de solidité (comme William Forsythe ou Anne Teresa De Keersmaeker).
La proposition se situe au dessus de la production courante, mais en dessous du meilleur de celle-ci (cf notre Le meilleur de 2014). Elle manque sans doute de temps de recherche, et d'un travail de pensée plus solide.
Fabien Rivière
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