"Les milieux culturels font le point après l'annonce de la parité du franc suisse avec l'euro", RTS (Radio Télévision Suisse), vendredi 30 janvier 2015, 19h30.
Alors la télé, ça raccourci.Ce que je voulais essayer de dire - ce que j'ai dit en fait, mais bon, on ne va pas faire un procès aux médias, là, juste maintenant on est déjà contents qu’ils s’intéressent à ça…C'est que pour une compagnie comme la 2b company [théâtre, Lausanne], qui n'est pas conventionnée, tourner, à l'étranger comme en Suisse, est autant un besoin qu’un risque.C'est un besoin en terme artistique, en termes de networking, de "c'est ça qu'on a envie de faire" ou "il faut travailler », ou en terme de beaucoup d’autres choses.Mais c'est aussi une demande de nos subventionneurs (privés, et publics), pour des raisons tout à fait sincères, que je résumerais en deux points:- on ne va pas travailler plusieurs mois sur un spectacle pour le jouer 10 jours seulement devant ses amis.- L’art est un outil de promotion (« promotion culturelle »), et les états ont avantage à voir leurs productions artistiques montrées à l’étranger.C’est donc un besoin légitime, qui reste néanmoins risqué quand une compagnie ne dispose pas de soutiens annualisés (on appelle ça des « contrats de confiance », des « conventions de soutiens conjoints », des « décisions de soutiens pluriannuels », voire des « lignes au budget ». )En effet, c’est extrêmement rare - et je répète, autant en Suisse qu’à l’étranger - que nous arrivions à obtenir de la part des lieux qui nous accueillent des cessions (donc le prix que le théâtre paie), qui couvrent l’entier des frais de tournée.A presque tous les coups, nous devons demander des fonds supplémentaires auprès de partenaires privés et publics.Et cette recherche de fonds s’effectue APRÈS que nous ayons conclu, si ce n’est un contrat, au moins un accord avec le lieu d’accueil. Parfois, le soutien arrive même après notre retour. Et évidemment, les soutiens externes ne sont jamais garantis, d’où le risque, purement, concrètement économique de « partir en tournée ».Dans ce contexte, la parité du Franc suisse et de l’Euro, est à mon sens une augmentation du risque financier.Ce risque n’est pas plus important pour notre économie que pour d’autres économies du pays. Sauf que nous n’avons absolument aucune marge sur les tournées.Comme certains des soutiens sont des « garanties de déficits » (pour des déficits de toute façon systématiques), nous ne pouvons pas espérer économiser sur une tournée pour compenser les pertes d’une autre.Or, le budget d’une tournée est composé essentiellement de salaires. Si nous perdons 20% à cause du change, ou d’une décision administrative de la BNS [Banque nationale suisse] (donc je parle des tournées futures que nous avons déjà « signées »), nous allons devoir trouver 20% de fonds supplémentaires. Si personne ne peut nous les accorder (et pour les deux premiers trimestres de 2015, le manque à gagner de la 2b company s’élève quand même à 4-5000 CHF), alors oui, là, nous n’aurons pas le choix, nous devrons baisser nos temps de travail et nos salaires.Et je rajoute que nous sommes déjà bien soutenus par la Ville, le Canton, la CORODIS [Commission romande de diffusion des spectacles], Pro Helvetia, les privés comme la Migros [grande distribution] ou la Loterie Romande, et d’autres - merci à tous pour leurs soutiens. Mais la réalité est là. À la fois complexe, abrupte et mathématiquement simple: tourner va devenir plus difficile, plus cher.Mais toujours terriblement passionnant.Alors ok, tout ça est trop long et compliqué pour la télé, mais que voulez-vous, Mesdames et Messieurs, c’est de l’Art…
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