2010, 2012 et 2014 : le concours de chorégraphie Danse élargie a connu trois éditions. Il est organisé conjointement par le Musée de la danse - Centre Chorégraphique National de Rennes et de Bretagne - direction Boris Charmatz et le Théâtre de la Ville - Paris - direction Emmanuel Demarcy-Mota. Il se déroule en juin durant un week-end dans les murs du théâtre parisien. Dans la grande salle historique de 1.000 places. L'objectif est ambitieux : faire émerger une nouvelle génération de chorégraphes. Pour des résultats que nous avons analysé à l'occasion de la dernière édition dans un article disponible ICI.
Les primés sont soutenus au-delà des 10 minutes réglementaires présentées, afin de leur permettre d'élaborer un pièce entière. Début septembre 2015, trois programmes différents sont ainsi proposés dans la salle plus intime des Abbesses.
Quel sens peut avoir en 2015 une chorégraphie consacrée à l’aérobic ? Cette activité « qui stimule l’activité cardio-vasculaire et oxygène le corps par des mouvements rapides sur une musique à rythme soutenue ». Elle a été inventée par le médecin Kenneth H. Cooper, le terme faisant son apparition à la fin des années 60 aux États-Unis et une décennie plus tard en France (merci wikipedia). Des personnalités l’ont incarné comme Jane Fonda aux États-Unis et plus largement encore dans le monde, et Véronique et Davina pour la France à travers leur émission de télé, Gym Tonic. Mais la chorégraphe Paula Rosolen est Allemande.
Deux danseurs et cinq danseuses « en tenue » évoluent sur un plateau vide. Chacun porte une couleur fluo unique, des pieds à la tête, des baskets, chaussettes, shorts et T-shirts. Jaune et vert pour les garçons, orange, rose, rouge, bleu clair et violet pour les filles. Les tenues flashy sont contredites par des éclairages lugubres, de caves ou de catacombes.
Il est question de santé physique, sinon, plus poétiquement, d’air. Mais il s’agit surtout de discipline, les interprètes réalisant pendant une heure sans discontinuer des mouvements d’aérobic, à l’exception de deux brèves pauses durant lesquelles une technicienne du théâtre passe un balai raclette, respectivement au bout de vingt, et trente trois minutes. La chorégraphe rappelle, dans une interview publiée dans le programme de salle que « l’aérobic vient d’une forme d’entrainement militaire ». Mais selon Paula Rosolen « le corps du danseur apporte sa propre histoire ». C’est plutôt le contraire, puisque l’anonymat est manifeste, même si Christopher Matthews, en jaune, apporte un peu de fantaisie et d’humour. Sans forcer. Pas de musique mais le bruit répétitif des baskets sur le sol, selon un rythme binaire.
Les dix minutes présentées en 2014 nous semblaient anecdotiques, même si elles avaient remportées le premier prix. Ici, la rigueur de l’organisation temporelle et spatiale en lignes est convaincante. Le plateau du théâtre nous semble un peu étroit (il était trop grand dans la vaste salle du 4° arrondissement où se déroulait le concours).
À l’issue de la première pause, quand la pièce reprend, l’atmosphère se densifie, une dimension tragique émerge. C’est passionnant. Mais ce n’est pas la voie choisie par la chorégraphe qui poursuit sur l’axe de la mécanique glacée sinon folle. Nous sommes à mi-parcours, et nous allons décrocher de la proposition.
Du mercredi 2 au samedi 5 septembre. En savoir +
Les primés sont soutenus au-delà des 10 minutes réglementaires présentées, afin de leur permettre d'élaborer un pièce entière. Début septembre 2015, trois programmes différents sont ainsi proposés dans la salle plus intime des Abbesses.
1 —— Paula Rosolen (Allemagne) Aerobics ! Un ballet en trois actes
Photo Laurent Philippe
Quel sens peut avoir en 2015 une chorégraphie consacrée à l’aérobic ? Cette activité « qui stimule l’activité cardio-vasculaire et oxygène le corps par des mouvements rapides sur une musique à rythme soutenue ». Elle a été inventée par le médecin Kenneth H. Cooper, le terme faisant son apparition à la fin des années 60 aux États-Unis et une décennie plus tard en France (merci wikipedia). Des personnalités l’ont incarné comme Jane Fonda aux États-Unis et plus largement encore dans le monde, et Véronique et Davina pour la France à travers leur émission de télé, Gym Tonic. Mais la chorégraphe Paula Rosolen est Allemande.
Deux danseurs et cinq danseuses « en tenue » évoluent sur un plateau vide. Chacun porte une couleur fluo unique, des pieds à la tête, des baskets, chaussettes, shorts et T-shirts. Jaune et vert pour les garçons, orange, rose, rouge, bleu clair et violet pour les filles. Les tenues flashy sont contredites par des éclairages lugubres, de caves ou de catacombes.
Il est question de santé physique, sinon, plus poétiquement, d’air. Mais il s’agit surtout de discipline, les interprètes réalisant pendant une heure sans discontinuer des mouvements d’aérobic, à l’exception de deux brèves pauses durant lesquelles une technicienne du théâtre passe un balai raclette, respectivement au bout de vingt, et trente trois minutes. La chorégraphe rappelle, dans une interview publiée dans le programme de salle que « l’aérobic vient d’une forme d’entrainement militaire ». Mais selon Paula Rosolen « le corps du danseur apporte sa propre histoire ». C’est plutôt le contraire, puisque l’anonymat est manifeste, même si Christopher Matthews, en jaune, apporte un peu de fantaisie et d’humour. Sans forcer. Pas de musique mais le bruit répétitif des baskets sur le sol, selon un rythme binaire.
Les dix minutes présentées en 2014 nous semblaient anecdotiques, même si elles avaient remportées le premier prix. Ici, la rigueur de l’organisation temporelle et spatiale en lignes est convaincante. Le plateau du théâtre nous semble un peu étroit (il était trop grand dans la vaste salle du 4° arrondissement où se déroulait le concours).
À l’issue de la première pause, quand la pièce reprend, l’atmosphère se densifie, une dimension tragique émerge. C’est passionnant. Mais ce n’est pas la voie choisie par la chorégraphe qui poursuit sur l’axe de la mécanique glacée sinon folle. Nous sommes à mi-parcours, et nous allons décrocher de la proposition.
Fabien Rivière
— Paula Rosolen (Allemagne) Aerobics ! Un ballet en trois actes Du mercredi 2 au samedi 5 septembre. En savoir +
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2 —— Brice Bernier J'y arrive pas e-nondation
Brice Bernier est un jeune Nantais. Le collectif hip hop auquel il appartient, KLP, a remporté le troisième prix (mérité) de la première édition de Danse élargie. La pièce présentée aujourd'hui s'appelait jusqu'à récemment J'y arrive pas, pour devenir e-nondation (le e doit avoir un lettrage plus grand que le reste du titre).
Dans ce solo, Brice Bernier apparaît en fond de plateau à droite. Il est de profil et marche lentement. Il est fin et musclé. Il porte des chaussettes blanches basiques, des genouillères noires, un short noir moulant, et un marcel blanc. Tonsure de moine, barbe de trois jours et fine moustache. Ce pourrait être un footballeur. Sur le grand écran blanc derrière lui, une aurore boréale irradie.
Quelques minutes passent, le "dispositif spectaculaire" est installé avec des consoles, des baffles, un tapis de danse, un projecteur de diapos. Trois collaborateurs du chorégraphe occupent le plateau : le musicien et le vidéaste à gauche, la créatrice lumière à droite. Ils sont tous assis. Le seul mobile est le musicien, dans des mouvements de tête et du buste qui accompagnent la rythmique. Le danseur va enfiler son survêtement marron foncé et ses baskets ainsi que son bonnet.
En savoir + (texte original, traduction française, traduction annotée) Ici
Il n'en demeure pas moins que nous attendons avec grand intérêt la prochaine pièce de Brice Bernier.
(1) Supplément "Festival d'Automne à Paris", Les InRockuptibles, supplément au n°1031 du 2 septembre 2015, page 27. On le trouve aussi gratuitement dans différents théâtres.
— Brice BernierJ'y arrive pas e-nondation,
Du jeudi 10 au dimanche 13 septembre. En savoir + Photos DR
Dans ce solo, Brice Bernier apparaît en fond de plateau à droite. Il est de profil et marche lentement. Il est fin et musclé. Il porte des chaussettes blanches basiques, des genouillères noires, un short noir moulant, et un marcel blanc. Tonsure de moine, barbe de trois jours et fine moustache. Ce pourrait être un footballeur. Sur le grand écran blanc derrière lui, une aurore boréale irradie.
Quelques minutes passent, le "dispositif spectaculaire" est installé avec des consoles, des baffles, un tapis de danse, un projecteur de diapos. Trois collaborateurs du chorégraphe occupent le plateau : le musicien et le vidéaste à gauche, la créatrice lumière à droite. Ils sont tous assis. Le seul mobile est le musicien, dans des mouvements de tête et du buste qui accompagnent la rythmique. Le danseur va enfiler son survêtement marron foncé et ses baskets ainsi que son bonnet.
On peut parler d'ouvrier danseur pour qualifier Brice Bernier. Qui suggère un rapport au monde du travail plus ancré, un rapport distant à la question de son image et de l'esthétique, qui obsède tant de monde dans le milieu de la danse.
Quand retentit soudain le célèbre morceau du musicien et poète afro-américain Gil Scott-Heron (1949-2011), The Revolution Will Not Be Televised, sorti en 1970, l'émotion est forte. Mais nous sommes en France dans une salle remplie de Blancs (ce que nous sommes aussi). C'est pour eux une autre histoire qu'ils ne connaissent pas pour l'essentiel, et qu'il n'est pas sûr qu'ils aient d'ailleurs envie de connaître. Quoiqu'il en soit, c'est une attaque-analyse brillante « contre les médias de masse et contre l'ignorance par l'Amérique blanche de la dégradation progressive des conditions de vie dans les cités ». Et que se passe-t-il pendant ce temps-là sur le plateau ? Brice Bernier tente des mouvements. Cette distance entre le travail de conscience du poète et le renfermement du danseur fait mal. On nous expliquera qu'elle est voulue. Qu'il ne s'agissait pas d'aller dans le même sens que la chanson. Soit. Mais est-ce une bonne idée ? N'est-ce pas dévastateur ? D'autant qu'entre la conscience collective de l'un et la solitude (ou dépolitisation) de l'autre il existe un vaste espace de possibles.
Nous avons découvert le sujet de la pièce après la représentation : la submersion de nos vies par les nouvelles technologies. Comme en écho, Jérome Bel explique : « J'ai aussi besoin de voir si les spectateurs comprennent les idées que je développe durant le spectacle. S'ils ne les comprennent pas, c'est que je me suis mal exprimé, et c'est en parlant avec eux que je peux réaliser qu'il leur manque tel ou tel élément. Dans ce cas là, il faut que je reprenne ma copie. » (1)
Il n'en demeure pas moins que nous attendons avec grand intérêt la prochaine pièce de Brice Bernier.
Fabien Rivière
(1) Supplément "Festival d'Automne à Paris", Les InRockuptibles, supplément au n°1031 du 2 septembre 2015, page 27. On le trouve aussi gratuitement dans différents théâtres.
— Brice Bernier
Du jeudi 10 au dimanche 13 septembre. En savoir + Photos DR
À VENIR
3 —— Alina Bilokon & Léa Rault TYJ
Du mercredi 16 au samedi 19 septembre. En savoir + Photo Laurent Philippe
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