Vues du Bâtiment Dynastie qui accueille la performance de Takao Kawaguchi,
About Kazuo Ohno, Photos Fabien Rivière ©
Kazuo Ohno
À Bruxelles (Belgique), pendant le Kunstenfestivaldesarts, il faut aller au Bâtiment Dynastie (ou Palais de la Dynastie) pour voir le solo de Takao Kawaguchi, About Kazuo Ohno, étrangement sous-titré Reliving the Butoh Diva's Masterpieces (en fran-çais, Revivre les chefs-d'œuvre de la diva du butoh). Kazuo Ohno (1906 - 2010), un des fondateurs de cette danse des ténèbres, une diva ? On savait pour La Callas, et certains programmateurs, chorégraphes, journalistes et danseurs, mais là ... La performance se déroule dans cette construction de style stalinien grandiloquent (pléonasme) située sur le Mont des Arts où elle fut édifiée de 1955 à 1961. Depuis un certain temps elle est à l'abandon, ne ré-ouvrant que de façon ponctuelle. On gravit quelques marches, on passe de hautes et lourdes portes noires en bronze, pour immédiatement accéder à un hall sans âme, où le danseur a installé un désordre sans nom. Il est pieds nus, porte un T-Shirt gris et un short rouge, et fait par exemple rouler à côté de lui deux rollers, comme on promène son chien, une banane à la main. Il grimpe à un échafaudage, en redescend, se met nu, se rhabille rapidement, et ainsi de suite, dans une série d'actions brut de décoffrage. Il y a de l'enfant sauvage dans ce solide brun aux cheveux longs. Il se drape dans des sacs poubelle comme un grand tragédien, puis s'éloigne, monte un escalier, suivi par la petite troupe des spectateurs.
À l'étage, une salle a été aménagée pour l'occasion, fermée par des pendrillons noirs. Le public s'installe dans des gradins pouvant accueillir une centaine de personnes. Cela tient du loft, au sens d'un espace qui respire, de l'atelier du peintre, du vieux café en bois sympa et de la caverne de Platon.
La conscience du chorégraphe se structure, poursuivant son chemin dans l'interprétation d'extraits de pièces de Kazuo Ohno qu'il nous (re)donne à contempler, et dont on trouvera le détail à la fin de l'article.
La justesse des mouvements est impressionnante. Qui plus est des mouvements qui lavent le regard. Il ne s'agit pas d'hystérie ou de pathos névrotique.
Quelques personnes dans le public manifestent cependant une certaine fatigue sinon tension, et partent avant la fin. Sans doute des outils manquent-ils à certains pour arriver à saisir la proposition (permettre aux spectateurs de participer à une expérience corporelle butoh avant aurait été une bonne idée). On se retrouve sinon à trop réfléchir, à travers le fameux « Je cherche à comprendre » qui bloque la perception, alors qu'il faut d'abord lâcher prise, et percevoir par le corps.
Le monde du butoh s'organise entre deux pôles opposés : un pôle radical, au sens de l'origine latine du mot qui signifie « racine », et un pôle qui a perdu cette exigence, pour ne devenir qu'un butoh de surface, de pure consommation, design, à l'image de Sankai Juku le plus souvent.
La façon dont Takao Kawaguchi réactive les forces et les imaginaires d'un Kazuo Ohno et d'un Tatsumi Hijikata, d'un monde qu'on pensait définitivement disparu de la scène est saisissant. Il donne un fort appétit de se (re)plonger dans ce cosmos, microcosme et macrocosme, dont il demeure de nombreuses archives, que l'on trouve par exemple sur le site internet qu'a mis en place le Kazuo Ohno Dance Studio, l'espace de recherche fondé en 1949 à Tokyo.
La justesse des mouvements est impressionnante. Qui plus est des mouvements qui lavent le regard. Il ne s'agit pas d'hystérie ou de pathos névrotique.
Quelques personnes dans le public manifestent cependant une certaine fatigue sinon tension, et partent avant la fin. Sans doute des outils manquent-ils à certains pour arriver à saisir la proposition (permettre aux spectateurs de participer à une expérience corporelle butoh avant aurait été une bonne idée). On se retrouve sinon à trop réfléchir, à travers le fameux « Je cherche à comprendre » qui bloque la perception, alors qu'il faut d'abord lâcher prise, et percevoir par le corps.
Le monde du butoh s'organise entre deux pôles opposés : un pôle radical, au sens de l'origine latine du mot qui signifie « racine », et un pôle qui a perdu cette exigence, pour ne devenir qu'un butoh de surface, de pure consommation, design, à l'image de Sankai Juku le plus souvent.
La façon dont Takao Kawaguchi réactive les forces et les imaginaires d'un Kazuo Ohno et d'un Tatsumi Hijikata, d'un monde qu'on pensait définitivement disparu de la scène est saisissant. Il donne un fort appétit de se (re)plonger dans ce cosmos, microcosme et macrocosme, dont il demeure de nombreuses archives, que l'on trouve par exemple sur le site internet qu'a mis en place le Kazuo Ohno Dance Studio, l'espace de recherche fondé en 1949 à Tokyo.
Fabien Rivière
Site du chorégraphe : www.kawaguchitakao.com
About Kazuo Ohno. Reliving the Butoh Diva's Masterpieces, de Takao Kawaguchi, Bâtiment Dynastie [ou Palais de la Dynastie], du 14 au 19 mai 2016, Bruxelles, Belgique. Site
Extraits présentés :
— The Portrait of Mr. O (1969, un film de Chiaki Nagano) [s'inscrit dans une trilogie nommée The Trilogy of Mr O, qui comprend aussi Mandala of Mr O (1971) et Mr O's Book of the Dead (1973)]
— La Argentina Sho (Admiring La Argentina) (1977, Tokyo) : scènes de Death and Rebirth [Mort et renaissance], Daily Bread [Pain quotidien], The Marriage of Heaven and Earth [Le mariage du ciel et de la terre] et Tangos.
— My Mother (1981, Tokyo) : scènes de Embryo's Dream, Dream of Love, et la scène de deux tangos et le piano de Frédéric Chopin.
— The Dead Sea, Viennese Waltz, Ghost (1985, Genève) : scènes de The Gypsy Baron's March [La marche du baron tzigane] et The Episode of the Creation of Heaven and Earth.
Le Palais de la Dynastie, Bruxelles, profils droit et gauche, et porte d'entrée,
Photos Fabien Rivière ©
Photos Fabien Rivière ©
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