Benjamin Millepied entouré des réalisateurs de Relève Thierry Demaizière (à droite)
et Alban Teurlai sur le plateau du Grand Journal (Canal +) le 17 décembre 2015,
Capture d'écran Espaces Magnétiques
Benjamin Millepied aura fait un petit tour à l'Opéra de Paris, et puis s'en va. Plus précisément, il aura officié trois ans quand même comme directeur de la danse : un an et demi de préparation de son projet et un an et demi de direction effective. Le documentaire de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, Relève : histoire d’une création, suit le mouvement en quelque sorte, à travers la création du ballet du nouveau patron, Clear, Loud, Bright, Forward, en français Clair, bruyant, brillant, vers l'avant (à voir ICI). Nous sommes en juin 2015.
Benjamin Millepied est nommé à son poste à la surprise générale le 24 janvier 2013, pour une entrée en fonction en octobre 2014. On s'attendait à une personne du sérail, il a passé vingt ans aux États-Unis. Il a fait ses débuts et une bonne partie de sa carrière au New York City Ballet, où il est nommé danseur étoile (« principal dancer ») en 2002. Il a fondé fin 2011 sa propre compagnie, le L. A. Dance Project à Los Angeles où il réside (1). Il succède à Brigitte Lefèvre, qui régna vingt ans.
Mais il va annoncer sa démission le 4 février 2016 dans un communiqué sobre. Aurélie Dupont est désignée pour lui succéder le jour même. Elle est entrée en fonction le 1er août dernier.
Benjamin Millepied dans Relève, avec un Tee-shirt "Think of Me" (Pense à moi),
capture d'écran Espaces Magnétiques
Le film, que l'on revoit avec plaisir, montre la fabrication d'un ballet (d'aujourd'hui) plus que la danse proprement dite, sauf les cinq dernières minutes, et la direction du Ballet, en partie.
Le documentaire est un compte à rebours de 40 jours, la durée nécessaire pour la création de cette pièce de 35 minutes qui sera présentée dans un programme Balanchine / Millepied / Robbins. Benjamin Millepied a choisi 16 danseurs sur 154, mais uniquement dans le corps de ballet, aucune étoile, ce qui passe pour une provocation, et défend les premiers contre les seconds. « Il y a un enthousiasme, ils ont envie de travailler avec moi » dit-il. Sous entendu : pas les étoiles.
L'ancien danseur, actuel chorégraphe et directeur juge à raison les planchers de danse archaïques et donc dangereux pour la santé des danseurs, qui se produisent souvent avec des blessures mal soignées. Il les fait changer grâce à l'apport financier du mécénat et met en place un suivi de la santé des interprètes. Il dénonce la culture de la peur qui règne dans cette structure excessivement pyramidale. Il juge le niveau technique des danseurs insuffisants face à celui d'autres compagnies et s'oppose ainsi au discours lénifiant et faux parlant de « la meilleure compagnie du monde ». La « meilleure compagnie... de danse contemporaine », oui, dit-il de façon assez drôle, mais pas de danse classique. Le passage où un représentant syndical lors d'une réunion de travail reconnaît que « la régie travaille un petit peu "à l'ancienne" » et parle d'« une informatisation qui n'est pas cohérente » face à un Millepied exaspéré lâchant « Rien ne marche ! Rien ne marche ! » est aussi très drôle.
L'absence de danseuse noire par exemple ressorti d'un racisme sourd qu'il dénonce aussi à raison.
Un professionnel, ancien danseur (classique) et ancien administrateur de compagnie de danse (contemporaine), nous faisait remarquer cependant qu'il lui semblait invrai-semblable que l'assistante de Millepied passe autant de temps à le chercher au téléphone, alors qu'il est dans la maison, lui donnant le sentiment, de par son niveau de stress, de se diriger vers un burn-out, remarquait les hésitations du chorégraphe dans le choix d'un simple banc pour sa création, que la même assistante doit suivre, et jugeait peu sérieux de faire fabriquer des tutus, pour ne finalement pas les utiliser.
Quoiqu'il en soit Benjamin Millepied aura contribué de façon décisive à rénover la compagnie.
Fabien Rivière
(1) Cf notre article ICI et le documentaire Dancing is Living ICI.Film et Séances
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