Affiche du film L'Opéra |
Avec L'Opéra, qui est sorti ce mercredi dans les salles de cinéma, le réalisateur Suisse Jean-Stéphane Bron, très connu dans son pays, suit la nouvelle équipe de direction de l'Opéra national de Paris mise en place avec la nomination du nouveau directeur, Stéphane Lissner et le nouveau directeur de la danse qu'il vient de nommer, Benjamin Millepied. Il ne s'agit pas de filmer les spectacles, mais de s'attacher au travail qui précède les représentations. On montre ce que l'on observe. Il n'y a pas d'interviews.
La représentation qu'a le réalisateur de l'Opéra est enchantée puisqu'il déclare : « L’Opéra de Paris est un lieu d’excellence où seul le résultat final compte (1) » et « Le spectacle doit être parfait, la saison doit être réussie ; tous ces objectifs s’incarnent dans la douleur et la difficulté mais ils sont portés par un profond désir. Or, le désir qui anime cette tour d’ivoire me semble être précisément ce qui fait cruellement défaut à « l’extérieur », dans nos sociétés qui n’arrivent plus, ou très difficilement, à s’inventer un avenir commun. » (1)
La danse sera moins présente que le lyrique dans ce documentaire d'1h50. Le travail aurait déjà été fait par Frederick Wiseman avec son film consacré en 2009 au Ballet de l'Opéra de Paris, La Danse. Jean-Stéphane Bron cite « cette phrase d’Alain Tanner qui dit : « Un film dévore toujours un territoire ». Wiseman avait dévoré le territoire de la danse, à Garnier, et brillamment ; je savais que je me dirigerai moins sur ce terrain déjà si souvent représenté, que j’irai plutôt vers l’opéra et la musique, du côté de Bastille. » Frederick Wiseman est un excellent documentariste mais La Danse n'a pas évité le piège du film de communication de l'Opéra (2).
Ainsi, si l'on voit peu Benjamin Millepied, c'est que, dit-il, « On présente son passage comme une péripétie parmi d’autres. » (sic) (1) On passe ainsi à côté d'enjeux importants. L'argument est injuste et un peu léger.
De janvier à août 2015 Jean-Stéphane Bron a peu filmé, profitant de cette période pour découvrir l'institution dont il ne connaissait rien, et ne voulant pas se documenter, « pour essayer d'expérimenter quelque chose par soi-même de façon sensible. » (3) On peut objecter que la documentation n'exclut pas le sensible, et que, pourquoi pas, ils se complètent. À partir de septembre, il suit la première saison de la nouvelle direction, qui s'ouvre avec le saisissant Moses und Aron de Romeo Castellucci (musique d'Arnold Schönberg).
La réunion de travail où Stéphane Lissner fait part de sa préoccupation quant au niveau élevé des prix des places est drôle quant on sait que les prix de ces dernières pour la danse a encore augmenté pour la saison 2017-2018 (on peut lire notre La saison Danse 2017 - 2018 de l'Opéra de Paris : prudence et hausse des prix).
Par ailleurs, on peut regretter que le fonctionnement du pouvoir ne soit pas plus travaillé. Jean-Stéphane Bron s'en explique, en réponse à une question :
Le film donne le sentiment de mettre un pied au cœur de ce lieu de pouvoir.Jean-Stéphane Bron : Un pied seulement. Le pouvoir n’est plus le pouvoir s’il devient complètement transparent. Il y a forcément une zone dans laquelle on ne peut pas rentrer. Je suis volontairement resté au bord de ce pouvoir. L’Opéra de Paris, c’est presque l’image de la France, une émanation de l’Etat. S’il y a une grève, ça se sait dans le monde entier. C’est en cela que c’est un lieu délicat à filmer. (1)
Mais entre l'obscurité et la transparence complète, il existe de la marge, que le cinéaste aurait dû s'autoriser d'explorer.
Enfin, il aurait fallu que l'identité et la fonction des uns et des autres soit indiquée. Un professionnel sait qui est qui, mais pas nécessairement le grand public. Le sentiment de manque que l'on peut ressentir en sortant de la projection vient de la faible présence de la danse, et d'une étude du pouvoir un peu insuffisante.
Quoiqu'il en soit, le résultat est bon. L'immersion dans l'institution est d'un grand intérêt. L'émotion est souvent présente, atteignant son paroxysme avec la minute de silence à l'Opéra Bastille dédiée aux morts du Bataclan. C'est donc un film à voir.
(1) Tiré du dossier de presse. On trouve l'interview dans un tiré à part gratuit de quatre pages disponible dans des salles de cinéma.
(2) Pour reprendre l'expression utilisée par la personne qui interviewe le réalisateur dans la revue de cinéma Positif, Avril 2017, n°674, page 18.
(3) Interview du réalisateur dans la revue de cinéma Positif, Avril 2017, n°674, page 17.
Enfin, il aurait fallu que l'identité et la fonction des uns et des autres soit indiquée. Un professionnel sait qui est qui, mais pas nécessairement le grand public. Le sentiment de manque que l'on peut ressentir en sortant de la projection vient de la faible présence de la danse, et d'une étude du pouvoir un peu insuffisante.
Quoiqu'il en soit, le résultat est bon. L'immersion dans l'institution est d'un grand intérêt. L'émotion est souvent présente, atteignant son paroxysme avec la minute de silence à l'Opéra Bastille dédiée aux morts du Bataclan. C'est donc un film à voir.
Fabien Rivière
Le film sur Allociné(1) Tiré du dossier de presse. On trouve l'interview dans un tiré à part gratuit de quatre pages disponible dans des salles de cinéma.
(2) Pour reprendre l'expression utilisée par la personne qui interviewe le réalisateur dans la revue de cinéma Positif, Avril 2017, n°674, page 18.
(3) Interview du réalisateur dans la revue de cinéma Positif, Avril 2017, n°674, page 17.
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