Photo Fabien Rivière |
Je ne peux me dire très acclimaté à la danse contemporaine. J'ai toujours porté mon regard sur les mouvements de caméras, les musiques de films et les images bien sûr. Les images que je ressens sont celles de vieux livres, d'affiches récentes ou d'une belle capture d'écran pendant un match de football à rebondissement. C'est en cela que l'invitation à voir Hofesh Shechter m'a excité. Prendre un sujet inconnu, une salle inconnu, un inconnu et y voir ce que j'avais à y voir, sans chercher d'autres explications... peut être la mondanité. J'ai été servi en la personne de Jane Birkin.
Je venais de voir La piscine [1969] de Jacques Deray. Le film pop et mythique du couple Delon Schneider, réglant leur compte amoureux au bord de l'eau, près de la côte d'Azur. On s'aime beaucoup trop sur le bord d'une piscine. David Hockney y a plongé, laissez-moi sauter à pied joint au fond de l'eau, nager, et ressortir en ayant vécu un moment d'apnée.
Hofesh Shechter c'était cette longueur dans l'eau, cette respiration prise au moment de s'enfuir dans l'eau. Je n'aime pas l'eau.
Le spectacle s'ouvre sur un noir grisâtre, fumée blanche dans toute la salle, un monolithe se dresse devant nous, sans rappeler, évidemment, 2001, l'Odyssée de l'espace [1968] de Stanley Kubrick. Ce monolithe Iphone mythique, ce carré noir sur fond gris va vite être l'élément scénographique. Il se muera en plusieurs morceaux, prenant la forme d'un L, faisant écho à la chicane d'autoroute, au mur d'Israël, ou au mur anti-manifestation.
La jeunesse au pouvoir. Des corps en puissance dansant sur de la musique électronique, des percussions à pleines balles rajoutant un écho chorégraphique. Les corps et les mouvements de danseurs sont synchronisés, des incantations vers l'au-delà, au-delà du mur. Cette danse provocante, des troupes de loups, des meutes de chiens sur les no man's land. L'entracte arrivait. Un corps nous invitait à partager nos premières impressions à l'extérieur. Le spectacle reprenait par un coup de canon qui fit sauter les petites bourgeoises choquées... la peur du noir.
Tout ça pour dire.
J'ai aimé les surprises. Les grands moments de ma vie qui me faisaient remettre ma petite existence à ma place. Le monolithe mythique. J'ai pensé à mes parents. J'ai pensé à la chance d'être à Paris et de pouvoir y voir les plus grands, les moments instantanés... la culture. J'ai pensé à mes villageois là-haut sur mes huttes, ceux qui sont restés, ceux qui sont dans leurs étables ou dans leur tombes. Je ne sais pas ce que je deviendrai, mais Hofesh m'a fait danser, m'a rendu violent. J'ai frappé deux jours plus tard, comme si le chorégraphe m'avait alerté de la violence qui allait suivre... Mais le cri de mon désespoir s'estompe, j'y arriverai, en dansant. L'épilepsie sera bénéfique.
André Maltais
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