Vues de la scène du Così fan tutte d'Anne Teresa De Keersmaeker avant le début
de la représentation (haut), et aux saluts (bas), Photos Fabien Rivière ©
Proposer à un/e chorégraphe contemporain/e la mise en scène d’un opéra est peut-être une bonne idée. Mais peut-être pas. À vrai dire la question reste ouverte. Ainsi l’Opéra national de Paris présentait du 23 janvier au 19 février 2016 pour une série de 6 représentations un Così fan tutte. Opera buffa en deux actes que signe la Belge Anne Teresa De Keersmaeker. La production sera reprise la saison prochaine du 12 septembre au 21 octobre 7 fois (En savoir +). On peut préciser qu'un opéra bouffe est un opéra traitant d'un sujet comique ou léger.
Così fan tutte, qui date de 1790, est le dernier opéra de Wolfgang Amadeus Mozart, qui meurt en 1791 à 35 ans. Le livret est de Lorenzo Da Ponte.
Ce qui frappe, dans un premier temps, c’est le décalage qui existe entre la qualité de la musique et la relative faiblesse du texte du livret, qui comprend des discussions assez banales et des réflexions plus générales assez belles sur le sujet abordé. L’enjeu est simple : des hommes vont tester la fidélité de femmes. Sans doute, pour l’époque, on peut noter l’égalité entre les hommes et les femmes, et l’intervention d’une servante avec qui l’on discute sur un pied d’égalité en quelque sorte.
Nous avons assisté à la 5° (et avant-dernière) représentation, du deuxième balcon face. Quand on regarde vers le bas, vers la corbeille, on observe une majorité de chevelures blanches. Pour le renouvellement du public, on repassera. Dans un théâtre à l’italienne seules certaines catégories de places, les plus chères, jusqu'à la catégorie "Optima" à 210 € pour ce programme, permettent une bonne visibilité. Les autres places ne permettent de voir qu’une partie de la scène.
La scène est vide, — si ce n’est 7 hauts panneaux rectangulaires verticaux transparents et pas très larges installés les uns à côté des autres sur une ligne qui va vers le fond du plateau, à droite et à gauche en bord de scène, — d’une scène immaculée de blanc, qui suggère un vaste loft - hangar, avec au fond cette lourde, haute et large porte métallique fermée.
Le chef Suisse Philippe Jordan, directeur musical de l'Opéra national de Paris, dirige l’orchestre et les choeurs. C’est professionnel. Façon de dire qu’il manque un élément fondamental : l’émotion. C’est un peu gênant. Chaque chanteur est doublé par un danseur. À l’origine il y avait deux distributions de danseurs, l’une venant du Ballet de l’Opéra de Paris, l’autre de la compagnie de la chorégraphe, Rosas. Les premiers ont été remerciés à Noël pour une raison qui demeure inconnue, justifiée ou pas (mais ils semblent déçus de cette fin abrupte). Côté danse, on est frappé par la grande et constante pauvreté de la gestuelle. À l'inverse, le Golden Hours (As you like it), qui date de 2015, d'Anne Teresa De Keersmaeker, était un chef-d'œuvre.
On passe donc une soirée « tranquille », « propre », sans émotion et sans écriture des corps. On peut penser à un gentil spectacle bourgeois. On aurait aimé que la chorégraphe manifeste un peu plus de tempérament, elle en a, en secouant un peu tout cela, qu’elle soit un peu moins « timorée », « bien élevée », sinon « sage », comme une image. Elle semble avoir perdue en route la nécessité du projet, pour autant qu’il y en ait eu une au commencement.
Fabien Rivière