vendredi 14 juillet 2017

Sénégal : « Pourquoi nos dirigeants laissent-ils la danseuse Germaine Acogny courir à la faillite ? »

Germaine Acogny, Photo DR

Le Monde Afrique, 14 juillet 2017.  

Aisha Dème, militante culturelle à Dakar, s’insurge de voir l’Ecole des Sables à cours de moyens alors que les législatives battent leur plein, à coups de milliards de francs CFA.

Il y a quelques jours, une lettre de Germaine Acogny est tombée dans la boîte aux lettres électronique de nous autres, acteurs culturels, militants ou amoureux de culture en Afrique [cf. ci-dessous]. Il s’agissait d’une relance à une précédente lettre qui invitait, avec beaucoup de pudeur, à soutenir financièrement l’Ecole des Sables, un centre international de danses traditionnelles et contemporaines d’Afrique, située à Toubab Dialo, à quelques kilomètres au sud de Dakar.

Cette relance est arrivée comme une gifle. « Est-ce que vous avez compris ? », nous disait-elle. « Cela fait quelques semaines que nous avons écrit une lettre à tous ceux qui nous connaissent, qui connaissent l’Ecole des Sables, pour leur demander un soutien à cause de notre situation financière difficile. » C’était la version « soft », rédigée cela fait un moment. La réalité d’aujourd’hui est beaucoup plus brutale. Actuellement, l’Ecole des Sables n’a plus les moyens de fonctionner que quelques mois. C’est donc « demain ». 



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LETTRE DE GERMAINE ACOGNY 

ET L’ECOLE DES SABLES

9 juillet 2017

Chers amis,
Cela fait quelques semaines que nous avons écrit une lettre à tous ceux qui nous connaissent, qui connaissent L’Ecole des Sables pour leurs demander un soutien à cause de notre situation financière difficile.
C’était la version « soft », rédigée cela fait un moment. La réalité​ d’aujourd’hui est beaucoup plus brutale.
Actuellement l’Ecole des Sables a encore  des moyens pour fonctionner que quelques mois.C’est donc « demain ».Pour cette raison nous lançons aujourd’hui un deuxième appel à tous ceux qui ne sont pas encore devenu  un/une « Ami / Amie de l’Ecole des Sables »à se manifesté par un don, petit ou grand, pour permettre à l’Ecole des Sables de tenir en attendant de trouver des solutions plus importantes. On y travail dur et on y croit.
Qui n’a pas aujourd’hui au moins 20 Euros, bien sûr plus, si possible (vous n’êtes pas obligé de sauver seul l’Ecole des Sables !) pour participer afin que ce lieu important continue son travail, sa vie, continue à rayonner, continue à donner courage, espoir et joie de danser et regarder la danse.
Et c’est si facile aujourd’hui. On bouge le doigt (n’importe lequel) un peu et on CLIC.
Nous vous souhaitons un bon CLIC et vous remercions. Ne laissez pas aux autres.
C’est vous qui comptez !
Chaleureuses salutations
Helmut et Germaine
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(source : ICI)

mercredi 12 juillet 2017

La physique des corps de Bruno Beltrão (« Inoah »)

Vues de Inoah, de Bruno Beltrão, des saluts, et du public, Photos Fabien Rivière ©

— Lausanne (Suisse), envoyé spécial. 

Juste avant le spectacle, le présentateur monte sur scène et affiche sa joie, déclarant qu’après sa création à Hambourg (Allemagne), et son passage par Vienne (Autriche) et Marseille (France), la compagnie de danse brésilienne de Bruno Beltrão a accepté un arrêt à Lausanne, avant de repartir au pays. 

Il a raison de sourire, Bruno Beltrão étant ce qui est arrivé de mieux à la danse hip hop depuis un certain temps, au niveau mondial. Pour comprendre cette situation, passons un moment par la France, où cet art s’organise en deux pôles : d’un côté, dans les théâtres, des spectacles de divertissement pas forcément inoubliables, même si ils ont sans doute permis à cet art d’être reconnu. De l’autre, des battles (ou concours), où se développe une écriture de gestes proprement inouïs. Ce fait est d’autant plus intéressant que les chorégraphes nouveaux venus en danse contemporaine se méfient du corps et préfèrent développer tout un discours à prétention intellectuelle. 

Bruno Beltrão fait figure d’exception remarquable. En observant deux soirs de suite sa création, Inoah, on se disait que notre homme est un redoutable physicien. Le physicien est fasciné par les mystères de la matière, sa matérialité même, dont il doit rendre compte par un ensemble d’équations extrêmement élaborées et, malgré tout, élégantes. C’est en effet une préoccupation des mathématiques. 

 Inoah, de Bruno Beltrão, Photo Gennaro Scotti

Sur scène dix jeunes hommes, métis, solides, divers. Ils portent des vêtements élégants et sobres, amples, dans des variations de couleurs (marron foncé surtout, certains avec du bleu foncé, ou du jaune, ou du rouge, ou du blanc), des shorts longs genre kilts ou bures de moines, qui tombent au niveau des genoux, des tee-shirts à manches courtes.  

Nos hommes, nos particules, se déplacent en solo, duo, trio. Ils peuvent se retrouver ensembles, mais pas de groupes ou de meutes comme chez Hofesh Shechter ou Sidi Larbi Cherkaoui. Chacun est le centre de sa propre histoire. De ce point de vue, Beltrão est un fin connaisseur de Merce Cunningham (1919-2009), le génie New Yorkais, comme de William Forsythe d’ailleurs. L’écriture des corps est constamment complexe mais toujours lisible. Les corps sont traversés de pulsions, de tensions. Mais pas de psychologie ou de pathos. On sent ainsi des énergies qui viennent de l’observation du monde social. C’est  suffisamment rare pour être salué. Le public était heureux de cette découverte et applaudissait chaleureusement. 

On trouvait plusieurs jours après les représentations le sujet qu'entendait traiter le chorégraphe (c'est sur le site du Festival, mais il n'y a pas de feuille de salle). Il « s’inspire de la marche pour évoquer celles que les migrants affrontent partout dans le Monde », citant des sociologues français qui écrivent : « Le migrant est pionnier d'un monde ouvert » (1). Comment rendre compte de la distance entre le sujet et le résultat, selon nous ? Pluralité des regards des spectateurs ou référence à cette citation de Marx qui affirme que « Les hommes font l'histoire, mais ne savent pas l'histoire qu'ils font » ? 
Fabien Rivière
(1) Migrations et mutations de la société française. L'état des savoirs, Marie Poinsot et Serge Weber (sous la direction de), Introduction, éditions La Découverte (France), 2014. Site 

Inoah, de Bruno Beltrão, Festival de la Cité Lausanne (Suisse), 4 et 5 juillet. Site  

DANSEURS 
João Chataignier, Sid Yon, Leozin Laureano, Kley de Almeida, Igor Martins, Kapu Araújo, Leandro Gomes, Bruno da Silva Duarte, Douglas Santos, Duke Pantoja

DATES
Création : 4 > 6 juin à Hambourg (Kampnagel) ; 
10 > 13 juin à Vienne (Wien Festwochen) ; 
27 > 28 juin (Festival de Marseille)

16 > 18 octobre à Francfort (Mousonturm) ; 
20 > 22 octobre à Dusseldorf (Tanzhaus) ; 
Berlin et Bruxelles à confirmer ; Paris, automne 2018 (Festival d'Automne à Paris).