Affiche du film d'Alain Resnais, Hiroshima mon Amour |
Le 6 août 1945 à 8h15 un bombardier B-29 américain largue au dessus de la ville d'Hiroshima (Japon) à 9.000 mètres d'altitude une bombe atomique à l'uranium 235 d'une puissance de 15 kilotonnes, surnommée Little Boy. Elle explose à 587 mètres du sol, à la verticale de l’hôpital Shima, rasant la ville et tuant sur le coup 75.000 personnes. Dans les semaines qui suivent plus de 50.000 personnes supplémentaires meurent. Le décompte du nombre total de morts reste imprécis. Il est de l'ordre de 250.000 tués. Sur les 90.000 bâtiments de la ville, 62.000 sont totalement détruits.
Un second bombardement a lieu trois jours plus tard le 9 août 1945 sur la ville de Nagasaki. La capitulation du Japon le 2 septembre 1945 clôt un cycle de guerres initiées par ce pays en 1931 (cf. encadré ci-dessous).
En mai 1959, presque 14 ans plus tard, le réalisateur français Alain Resnais présente son film Hiroshima mon amour pendant le festival de Cannes (France). Le scénario et les dialogues sont de Marguerite Duras. Les deux acteurs principaux sont Emmanuelle Riva, « elle », et Eiji Okada, « lui ». Le film mêle le documentaire, consacré à la tragédie, à la fiction, une histoire d'amour entre une française et un japonais. Il affirme : « Tu n'as rien vu à Hiroshima, rien ! ». Elle répond : « J'ai tout vu, tout ! ».
Ils n'ont rien vu, de Thomas Lebrun, Photo Frédéric Iovino. |
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En juin 2019, 60 ans après la sortie du film, le chorégraphe français Thomas Lebrun présente à Tours (France), Ils n'ont rien vu, dans le cadre du festival Tours d'horizon - Festival de danse, qui est une émanation du Centre chorégraphique national (CCN) de Tours qu'il dirige. Le chorégraphe écrit dans la feuille de salle : « Nous avons travaillé pendant trois années sur cette création. Nous sommes partis au Japon, visiter Hiroshima aujourd'hui, traverser la ville et ses souvenirs, rencontrer des hibakushas (survivants de la bombe atomique) et les personnes qui s'occupent du Mémorial de la paix, qui nous ont particulièrement aidés. »
Si le cinéma a beaucoup filmé la guerre, la danse contemporaine n'a pratiquement jamais abordé cette thématique même si on peut citer le War de l'américaine Yvonne Rainer, créée en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam, et construite à partir des stratégies de déplacement des armées. En France, le Musée de la danse à Rennes dirigé par le danseur et chorégraphe Boris Charmatz a consacré en 2013 une exposition DANSE-GUERRE, posant justement la question : « Quels liens établir entre ces deux « disciplines de corps », l'une visant à tuer, l'autre à « digérer des gestes présents, passés, futurs » ? » (ICI)
Ils n'ont rien vu, de Thomas Lebrun, Photo Frédéric Iovino. |
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Ils n'ont rien vu débute de façon douce, et se clôt de même. Les 9 interprètes entrent et s'installent en bord de plateau face au public, chacun avec une petite feuille de papier blanche qu'ils vont manipuler, fidèles à cet art délicat du pliage qu'est l'origami, pour réaliser une grue. Ce n'est qu'en revoyant le film de Resnais que je réaliserai que l'on peut y voir aussi un bombardier... À rebours de tant de pièces de danse qui sont des objets de consommation qui servent à divertir d'une façon plus ou moins plaisante, Thomas Lebrun s'engage dans un travail de conscience et de mémoire sans doute plus nécessaire. Il évite les pièges du pathos. Il ne s'agit pas de chercher à attendrir mais plutôt de développer une certaine conscience du monde tel qu'il va. Il cherche à se rapprocher du réel, plutôt que le fuir. Les folies du passé peuvent ressurgir.
Dans un premier temps il observe. Dans un second, il reprend des forces, et les déploie. Ainsi dans cette danse grotesque qui mobilise des figures d'aujourd'hui comme les dirigeants de grandes puissances avec l'américain Donald Trump ou le nord-coréen Kim Jong-un. Il y a aussi cette danse des éventails, en costumes traditionnels japonais. Mais on peut lui préférer celle d'Andy de Groat, qui a disparu il y a peu (ICI), dansée pour la première fois à New York en 1978, sobre, d'une élégance folle et d'une grande puissance. On ne regrette pas le voyage, où la lumière demeure au milieu de la nuit. Est-ce à dire que la condition humaine c'est de vivre dans cette obscurité ?
Fabien Rivière
LE JAPON EN GUERRES : 1931 - 1945
Un cycle de guerres initiées par le Japon se clôt par sa capitulation le 2 septembre 1945. Il a débuté par l'occupation par le Japon de la Mandchourie en 1931, d'une partie de la Chine en 1937, de l'Indochine française en 1940. ainsi que la Thaïlande, la Malaisie, la Birmanie, les Philippines et les Indes orientales néerlandaises. Le Japon bombarde le port américain de Pearl Harbor le 7 décembre 1941. Cette attaque provoque l’entrée en guerre des États-Unis.
ON PEUT LIRE (art et guerre) :
— Des damné(e) de l'histoire. Les arts visuels face à la guerre d'Algérie, d'Émilie Goudal, Les Presse du réel (Dijon), 2019. ICI
— Algérie, les écrivains de la décennie noire, de Tristan Leperlier, Éditions du CNRS (Paris), 2018. ICI
— La guerre des écrivains, de Gisèle Sapiro, 1940 - 1953, Fayard, 1999. ICI
CALENDRIER
Diffusion Ils n'ont rien vu (saison 2019-2020) — ICI (à venir)
ON PEUT LIRE (art et guerre) :
— Des damné(e) de l'histoire. Les arts visuels face à la guerre d'Algérie, d'Émilie Goudal, Les Presse du réel (Dijon), 2019. ICI
— Algérie, les écrivains de la décennie noire, de Tristan Leperlier, Éditions du CNRS (Paris), 2018. ICI
— La guerre des écrivains, de Gisèle Sapiro, 1940 - 1953, Fayard, 1999. ICI
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