Une partie de la scénographie de Zeppelin Bend de Katerina Andreou, Photo Fabien Rivière |
Katerina Andreou est une jeune chorégraphe grecque qui vit en France. Elle présentait Zeppelin Bend pendant le festival June Events au Théâtre de l'Aquarium, à la Cartoucherie à Paris. Sur la scène, une jeune femme est assise sur un petit praticable carré noir. La tête est baissée, et bascule, de droite à gauche et inversement, de façon rapide, sans arrêt, longuement, les yeux fermés. Puis une autre jeune femme apparaît, qui sautille, elle aussi longuement, dans l'espace. Elle suggère l'abandon de l'enfance, ou l'abandon de qui est interné. C'est innocent, ou inquiétant. Comme elles danseront ensemble, et comme elles se ressemblent on peut penser que l'une est le double de l'autre, son spectre, son fantôme.
(de gauche à droite) Katerina Andreou et Natali Mandila, saluants à la fin de la représentation de Zeppelin Bend, Photo Fabien Rivière |
La musique, industrielle, est de qualité (sur le site internet du festival on trouve cette mention : « Création sonore : Katerina Andreou et Cristián Sotomayor »).
Arrêtons-nous un peu sur ce dernier, qui mérite plus de lumière :
« Né au Chili, diplômé d’une école de commerce à la fin des années 90, Cristián Sotomayor suit une formation musicale et au son au Brésil et en Espagne.Batteur de la scène rock chilienne, dans le courant des années 2000, Cristián Sotomayor crée des installations sonores pour le Musée national des Beaux-Arts à Santiago du Chili, la salle Metrònom à Barcelone et la Fondation Cartier à Paris (Soirées Nomades, Exposition Takeshi Kitano à Paris & Tokyo).Il signe également la création sonore des pièces chorégraphiques de Claudia Triozzi, Latifa Laâbissi, Danya Hammoud, Volmir Cordeiro, Enora Rivière et Nuno Lucas. (etc.) » (site du Théâtre du Rond-Point, Paris)
La musique est "masculine", virile et musculaire, en décalage avec les motricités des interprètes, plus évanescentes. Mais quand la musique retentit les deux jeunes femmes se mettent à danser de façon mécanique, courent sur place, se mettant au pas de la musique ? On peut soudain penser que l'espace de la scène lui aussi est "masculin", avec sa froideur, son autorité, ces deux pneus suspendus à mi-hauteur par un câble, et ces deux cordes qui montent jusqu'au plafond. L'espace est délimité, fermé, par dix projecteurs à deux mètres du sol, chacun sur un pied noir, comme des pylônes électriques, formes phalliques.
Les deux interprètes vont s'échapper du sol, chacune grimpant le long d'une corde blanche, qui devient liane. Elles changent soudain d'identité, abandonnant leur statut d'humain-e-s pour celui de primates. Légers sons émanant de la forêt. Elles demeurent un temps suspendues, bougeant peu, expérimentant des sensations nouvelles, dans le relâchement, rêveuses, ou dubitatives ? Puis elles reviennent sur terre. Ont-elles changé ? Non, sans doute pas. Vont-elles mieux ? Non sans doute.
Ainsi, plus généralement, que peuvent deux femmes dans un espace (social, la rue par exemple) conçu par des hommes, pour des hommes, sous le contrôle des hommes ? Pas grand chose. De quoi être déprimé, ce qu'elles semblent être depuis le début. De quoi devenir folles, à lier. Qu'est-ce qu'être une femme, sinon tenter de résister à l'ordre masculin, semble nous dire la chorégraphe.
Fabien Rivière
PS. J'avais écrit ces lignes quand j'ai découvert par hasard une photo du collage dans une rue de Tours de ces mots : LA RUE EST AUSSI AUX FEMMES (Facebook de Femmes et Féministes Insoumises, cf. ci-dessous).
Zeppelin Bend, de Katerina Andreou, Théâtre de l’Aquarium, La Cartoucherie, Paris, Festival June Events, vendredi 21 mai 2021 19h. En savoir +
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire