J'ai découvert la nouvelle création de Régine Chopinot, A D-N, à la MC93 – maison de la culture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny (93), où elle est en « résidence longue durée de 3 années » (2019 - 2021). Elle définit cette pièce comme « un petit attelage, un petit véhicule ». Ses nombreux voyages, entre 2009 et 2018, dans le Pacifique, ont changé son regard et sa pratique de l'art, et de la vie. Elle explique : « J’apprends à travailler avec la valeur intrinsèque des personnes, des gens. Sans décor, sans costume, sans technique, mon fonctionnement de création se simplifie et s’allège radicalement. »
Sur le plateau, trois femmes surgissent d'une nuit profonde. Elles s'approchent doucement du public, se tenant par la main. Dans cette scène d'ouverture, elles demeureront au bord du plateau, dans le silence, fermant les yeux une partie du temps. Ces femmes, habillées de noir massivement, semblent sorties d'un film muet en noir et blanc. Elles se nomment Prunelle Bry, Phia Ménard, et Régine Chopinot.
Puis, l'immensité de l'espace est dévoilé. Excellement éclairé par Sallahdyn Khatir. Sol sombre, qui suggère cependant la surface de l'océan, balayé par une légère brise, et la matérialité de l'eau. Tout au fond, très loin, très très loin, immobile, debout, comme posée sur le banc de sable d'un archipel, Régine Chopinot, comme perdue, éperdue. Comme si la mort rodait, et attendait de pouvoir submerger sa proie. Les deux autres femmes marchent, magnifiquement.
La chorégraphe avance vers nous lentement. Visage grave. Long cheveux noirs tirés en arrière en chignon. On songe à Martha Graham, où se mélange la prêtresse, la sagesse, et l'ogresse ? La gestuelle est précise et épurée, organique.
Assis à droite du plateau, le guitariste rock, Nico Morcillo, joue avec calme, puis va monter en intensité. On se dit qu'il est le lien à la vie, qui demeure. Pour combien de temps, on ne sait pas.
La durée annoncée de la proposition est de 50 minutes. On croit alors découvrir ce qui serait la dernière scène. Qui durerait ainsi 10 minutes. Une rupture, à la fois sonore et énergétique. De la musique électro tonique, et de la joie. Comme si la vie reprenait vraiment, ou disons peut-être seulement, la vie urbaine, loin des îles et des archipels. Très belle fin. En fait non, la pièce se poursuit encore 13 minutes, revenant à la thématique initiale, faite d'étendues terrestres et maritimes sauvages. On pensait que Régine Chopinot revenait parmi nous. Non, son esprit est désormais là-bas, à jamais.
Fabien Rivière
A D-N, de Régine Chopinot, à la MC93 – maison de la culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny (93), du samedi 4 au dimanche 5 juin 2021. Site
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