Mathilde Rance Karnaval
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Le public suit les interprètes, et gravit la rue en face du théâtre jusqu'à la place ombragée Emile-Goudeau |
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Place Emile-Goudeau |
Ambiance légère, voire festive avec le
Karnaval de Mathilde Rance. Sortis par l'entrée du Théâtre des Abbesses, les huit interprètes investissent la cour du théâtre puis gravissent la rue en face, pour atteindre une place, et redescendent. Costumes métalliques, et masques d'animaux. Les enfants adorent, un serveur d'un restaurant voisin sort son portable pour filmer. Cependant, les corps sont un peu raides me semble-t-il.
(durée : un peu plus de 15 minutes)
Rémi Esterle Beauté Bâtarde
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Marius Hoël aka Akeron dans Beauté bâtarde, Photo Sonia Blin |
Dans
Beauté bâtarde, de Rémi Esterle, le jeune mais mature
Marius Hoël aka Akeron est saisissant. Cheveux noirs et courts, petite moustache, en jean et sweat-shirt rouge sombre intense. Debout face au public, appuis solides au sol et haut du corps mobile et fluide, il slame puissamment un désarroi, une désorientation, mais une force de vie d'abord. Il possède l'intensité des Bérurier Noir, ce groupe phare de la scène punk et alternative française des années 1980. Un slam qui peut faire ricaner certains (je songe à un avis recueilli après la pièce). Cet art engagé est moqué sinon méprisé par tous ces spectateurs dégagés. Sur le plateau, il y a aussi un couple qui valse, habillé de façon improbable intégralement en jean, comme le petit chaperon rouge, mais en bleu, plutôt effacé. Dans le travail de répétition de la pièce, le jeune homme est censé être
« la parole
» (simplement cela), le couple
« la danse
», mais il se trouve qu'en réalité il est la danse, un corps chargé, vivant, quand le couple peut être perçu comme une métaphore d'une certaine danse transparente. La fin est terrible puisque la danseuse pose sa main sur l'épaule du jeune homme comme pour lui intimer l'ordre, dans une position de surplomb, de cesser de bouger et donc d'être, ce qu'il fait. Mais que cette fausse danse ne supporte pas l'autre dans sa différence est tragique, et réaliste.
(durée : 17 minutes)
Julien Grosvalet Flashlights
En ouverture, est proposé un très beau travail plastique. Chaque interprète a une petite lampe qu'il allume ou ferme, dans la nuit. C'est très efficace. Mais quand la lumière revient, la danse n'est pas vraiment chargée.
(durée : 9 minutes)
Nicolas Barry Pas de danse
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Saluts, à l'issue de Pas de danse, de Nicolas Barry (à l'extrême-droite) |
Debout face au public, Nicolas Barry nous explique qu'il a lu
Surveiller et punir, le fameux ouvrage de Michel Foucault paru en 1975, qui examine l'émergence historique de la prison et son organisation. Il dit s'intéresser en réalité à l'architecture des années 70 et à l'urbanisme des villes nouvelles. Il a effectué
« des excursions
», selon son expression, dans des centres commerciaux, des sorties de métro, et des halls de grandes gares, observant les corps et les visages, leurs tensions.
Enfin, il souhaite mettre en pratique la page 153 du livre, qui décrit des pas militaires, jadis. Le résultat, dansé par quatre interprètes, se veut drôle et amusant, mais se révèle anecdotique. La logique du projet échappe absolument.
Plus tard dans la soirée, interrogé pour savoir selon quelle logique on passe de Foucault à l'humour, le chorégraphe, gêné, ne peut répondre, et mettra fin abruptement à la conversation.
(durée : 9 minutes)
Sudesh Adhana Untamed Donkeys [Les ânes indomptés]
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Projection du film Untamed Donkeys de Sudesh Adhana |
Sudesh Adhana est né en Inde, mais vit à Oslo en Norvège. C'est LE choc de la soirée, à l'effet de sidération absolu. Un écran de projection de la taille de l'ouverture de scène descend des cintres. Un film est projeté. Un plan fixe, — images magnifiques et bouleversantes, — montre un extrait d'une performance dans une rue de Delhi (Inde), devant un public debout. Tous les interprètes portent un masque d'escrime sombre. Des actions simples et répétées. Pour le reste les mots manquent, et on se dit que ce film met à mal, pousse à sa limite extrême un cerveau occidental, qui peut disjoncter face à de telles secousses mentales, sans que l'on puisse expliquer pourquoi, et avec une économie de moyen redoutable. Le budget et les moyens ne sont en effet pas ceux d'un film hollywodien.
(durée : 13 minutes)
Laura "Nala" Defretin & Brandon "Miel" Masele Rave lucid
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Performance (haut) et saluts (bas), Rave lucid de Laura "Nala" Defretin & Brandon "Miel" Masele |
C'est la troisième excellente surprise de la soirée : Rave lucid, de Laura "Nala" Defretin & Brandon "Miel" Masele (Miel est le surnom du danseur). Quand on découvre les interprètes, c'est un soulagement : il n'y a pas que des Blancs sur le plateau (c'est un Blanc qui écrit ces lignes). C'est extra-ordinaire en danse contemporaine. Car cette danse électro et hip hop relève bien de la danse contemporaine. La gestuelle est excellente, précise, chargée, juste, qui accepte la tension, ne l'interdit pas, mais la module, l'oriente, la fait circuler et finalement en joue. C'est une danse apaisante et pourquoi pas thérapeutique. Le seul petit danger est le glissement par moments vers une certaine théâtralité sans paroles (et donc de la psychologie) qui dilue un peu le passionnant et exigeant propos.
(durée : 10 minutes)
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Brandon "Miel" Masele et Laura "Nala" Defretin, Capture d'écran Espaces Magnétiques |
Trimukhi Platform Cooking Stone
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Film, Cooking Stone de Trimukhi Platform |