Möbius, Photo Christophe Raynaud De Lage |
.
Avec Möbius, le chorégraphe contemporain français Rachid Ouramdane a ouvert en octobre 2019 un cycle de travail avec des circassiens. Il s'agit d'un ensemble déjà constitué, la compagnie XY, composée aujourd'hui de quarante acrobates, à l'histoire ancienne, déjà 15 ans. Ils prennent le temps nécessaire pour faire les choses, puisqu'on ne compte que cinq créations à ce jour.
Il s'est poursuivi avec Corps extrêmes, créée en mai 2021 (on peut lire notre article Les « Corps extrêmes » de Rachid Ouramdane).
Ce soir, on découvre dix-neuf interprètes sur scène, quinze hommes et quatre femmes. Tous habillés d'un noir sobre et élégant. L'espace est vide, dépouillé, en fond de scène un mur nu noir ancien, et pas de pendrillons à droite et à gauche du plateau. Rien. Un sol d'un blanc un peu sale, vaste rectangle bordé de noir.
Il existe sans doute deux façons de voir le spectacle. D'abord, le public, qui suit attentivement une proposition qui trace son chemin sans faiblir, sans temps mort ou errance, efficace. La forme spectaculaire est constamment assurée et assumée. Au moment des saluts, la plus grande partie des 1.200 personnes présentes se lève spontanément pour applaudir vivement.
Il est possible d'avoir un autre regard, qui n'est pas une réserve. Möbius est une longue introduction, un travail de première approche, où se déploie le temps nécessaire à la rencontre d'un homme (le chorégraphe) avec 19 circassiens, au sens le plus prosaïque. Qui suis-je ? Qui êtes-vous ? Quel projet ? Quels états de corps ? Commençons à travailler dans le cadre d'ateliers ? Essayons cela ? Cela marche ? Cela ne marche pas ? Le chorégraphe ne donne pas le sentiment d'avoir voulu imposer sa marque ou son style, des automatismes à répéter et qui font gagner du temps. Pas de « Ok, vous êtes sympas, mais c'est moi le boss, je sais ce que je veux, et comment l'obtenir, et il va falloir m'obéir » C'est, ainsi, une co-production. Mais on ne construit pas une maison en un mois. En ce sens, c'est un artisanat, où l'on observe les ouvriers apporter les matériaux, les disposer, les bouger, et couler du béton par exemple. Des corps toniques, mais constamment doux, à rebours de beaucoup de spectacles de danse où les corps sont traversés de soubresauts violents. L'œuvre, au sens plus restreint du mot, apparaîtra ultérieurement, avec Corps extrêmes.
Pour filer la métaphore technologique, on dira que Möbius n'est pas un Airbus A380, qui permet de voyager de Paris à Miami, New York ou Los Angeles, mais bien plutôt, plus tranquillement, plus modestement, une paisible 2 CV, qui vous transporte à bonne allure quand même, dans l'arrière-pays, et voit défiler, là une ferme qui vient de changer de propriétaire, là un champ avec ses vaches, là un ruisseau, bientôt la forêt qui approche, et enfin le village.
Fabien Rivière
Möbius, Compagnie XY en collaboration avec Rachid Ouramdane, du 7 au 18 septembre 2022, TND Chaillot. En savoir +
+ Carte blanche à la Compagnie XY, samedi 17 septembre de 11h à minuit
ET Dimanche 18 septembre du 11h à 18h. En savoir +
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire