Nehanda - Manifesting Thinking, de Nora Chipaumire (début de la représentation), Photo Fabien Rivière |
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C'est une expérience étrange qu'il m'a été donné de vivre ce samedi 5 novembre à 20h à l'Espace Cardin du Théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d'Automne à Paris (les deux structures ont le même directeur). Nora Chipaumire, née au Zimbabwe et vivant à New York, y présentait Nehanda - Manifesting Thinking.
Quand on entre dans la petite salle à l'italienne le spectacle a déjà commencé. La scène est magnifique, plongée dans la nuit et seulement éclairée par de petites loupiotes orangées disposées dans tout l'espace, comme des lucioles, et même, un peu, dans la salle. Elle suggère un loft ou un café où des amis, des connaissances, des voisins se retrouveraient un soir pour célébrer quelque chose, sans que l'on sache quoi précisément. En bord de plateau, de dos, quatre hommes debout chacun derrière un pied de micro ; sur le flanc droit, une dizaine de chanteurs et musiciens assis chacun sur une chaise.
À 20h03, un chant débute, sur un reggae très rythmique où l'on entendra bientôt, comme psalmodié, un « No Justice, No Peace ; No Peace, No Justice.» Manifestement, il s'agit de faire face à une adversité qui ne sera jamais nommée explicitement, face à laquelle il est tout aussi manifeste qu'il faut faire front, en faisant communauté, en se retrouvant. Veiller. Veiller sur soi et les autres, prendre soin du monde, pas de violence ici, mais de la chaleur, et, osons le mot, pourquoi pas, de l'amour (universel). Tous vont parler, simultanément. Ils parlent, mais à personne en particulier. Est-ce un constat sur le fonctionnement de la société où tout le monde parle obsessionnellement et pulsionnellement, sans que personne n'écoute vraiment ?
Malheureusement, l'accueil de la salle est immédiatement absolument glacial. Est-ce parce que le spectacle est classé en danse, et que, de danse, il n'y en aura pratiquement pas ? Dans le programme de salle, on parle d'opéra, et non de danse, en effet. La position de dos de ces quatre hommes, en ouverture, un moment, est-elle à ce point gênante ? Ne veut-on que ces productions où la frontalité séductrice est omniprésente ? Laisser le temps s'écouler tranquillement est-il si problématique ? Ne peut-on programmer cette œuvre que dans le cadre d'un festival de reggae, par exemple ? Il y aura pourtant cette scène magnifique où un jeune homme noir en élégant survêtement bleu avec de fines lignes noires verticales, se balance à une solide corde, de droite vers la gauche et inversement pendant cinq minutes, poussé au sol par un grand gaillard.
Dans les autres étrangetés on apprendra que cette proposition est la dernière d'une trilogie dont les deux autres parties n'ont pas été présentées. Qu'elle n'est pas frontale, mais immersive, et qu'elle dure six heures, et non une.
On ne doit pas oublier cette cérémonie tranquille et élégante, — où la recherche musicale est exceptionnelle — qui mobilise les consciences en profondeur dans ce monde brutal.
Fabien Rivière
Nora Chipaumire, Nehanda - Manifesting Thinking, Théâtre de la Ville - Espace Cardin, Paris, du samedi 5 au mardi 8 novembre. En savoir +
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