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DREAM, d'Alessandro Sciarroni (au CentQuatre-Paris), Photo Alessandro Sciarroni |
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Le chorégraphe italien Alessandro Sciarroni, 46 ans, l'un des plus talentueux de la scène européenne sinon mondiale, présente au CentQuatre-Paris, dont il est « artiste associé international » depuis 2016, DREAM, du mardi 29 novembre au dimanche 4 décembre.
On connaît ses propositions toniques sinon explosives, son goût pour le répétitif, on découvre son exact opposé, une immersion dans un espace plutôt tranquille. En l'espèce, « une exposition performative » de 5 heures, avec entrées, par exemple, à 19h, 20h30, 21h30 ou 22h30, et sortie libre à tout moment. Passer de l'agitation parisienne à cette méditation peut nécessiter un temps d'adaptation.
Dans ce bâtiment, inscrit au titre des monuments historiques, anciennes Pompes funèbres pendant 120 ans, on descend au niveau –1, aux Écuries Sud, un très bel espace presque parfaitement vide, de 700 m², 40 mètres de long sur 18 de large, sol de béton poli, plafond de briques rouges, murs en pierres recouverts de ciment brut, séparés en 4 sous-espaces par d'épaisses cloisons, où évoluent les 7 interprètes (cf. photo ci-dessus).
À droite, un solide gaillard à l'épaisse barbe sombre joue du piano droit noir, entouré, au sol, de partitions, où l'on observe les noms de CAGE, BEETHOVEN, CHOPIN, BRAHMS, et vraisemblablement SCARLATTI, ainsi qu'un ouvrage musical, I miei primi moderni, en français Mes premiers modernes. Dans les autres sous-espaces, les interprètes sont disposés ainsi : à sa gauche, un homme et une femme ; puis un homme et une femme ; enfin, deux hommes. Habillés plutôt en noir, avec des bottines ou des bottes, pantalons amples coupés au niveau du genou.
Le pianiste joue quelques notes, puis le silence s'installe, puis quelques notes, suivi du silence de nouveau, etcetera. Parfois il joue un morceau entier, par exemple du Bach, puis il évolue dans l'espace.
Le public, silencieux, constamment attentif, s'assoit sur le sol ou passe d'un sous-espace à un autre. Les danseurs sont debout le plus souvent, dans des mouvements d'amplitude et de tonicité faibles, qui tendent vers la raréfaction. On peut donc sortir et rentrer dans la salle. Quand on sort, on peut avoir le sentiment d'avoir été, sans s'en rendre compte, en apnée. Le programme de salle indique que le public peut aussi rêver. Il est plutôt saisi par le réel. Sciarroni y parle aussi de la barrière qu'il entend maintenir entre les interprètes et le public. C'est peut-être aussi cela qui saisit le public.
On peut penser à la vaste exposition Disappearing Acts, en français Actes de disparition, du plasticien américain Bruce Nauman, 76 ans, que nous avons vu à la fois au Schaulager à Bâle (Suisse, mars - août 2018), puis au MoMA et à son annexe contemporaine MoMA PS1 à New-York (États-Unis, octobre 2018 - février 2019). Dans les premières vidéos datant des années 70 il apparaît dans des performances joyeuses et mobiles, la plus récente le montre sombre dans un mouvement répétitif. À l'inverse, Merce Cunningham, jusqu'à la fin de sa vie, à 90 ans, a conservé le même tonus vital.
On trouve dans le dossier de presse la phrase qui affirme qu'il s'agit d'« une méditation sur l'être humain ». Peut-être plutôt sur la disparition de l'être humain, sa disparition physique et la disparition de relations humaines véritables, qui le constitue.
Fabien Rivière
DREAM, d'Alessandro Sciarroni, au Cent-Quatre Paris, 29 novembre - 4 décembre 2022.
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