mardi 12 septembre 2023

Cinéma - Michel Gondry s'amuse : « Le Livre des solutions » ou la vie mode d'emploi


Le dernier film (en date) de Michel Gondry, Le Livre des solutions (2023), est réjouissant à voir, dans la lignée de son Be Kind Rewind (2008), bien qu’il ait été classé dans le genre « comédies dramatiques ». Le réalisateur est venu en personne le commenter à la suite de la projection qui nous a été offerte en primeur au Centre Pompidou et a confirmé qu’il était en grande partie autobiographique. Le comédien Pierre Niney jouant son rôle avec grande finesse.

Paradoxalement, pour traiter de cinéma à l’ancienne – de film expérimental, d’auteur, d’animation, tourné au caméscope analogique avec des bouts de ficelle –, Gondry, cinéaste aujourd’hui reconnu grâce à ses clips musicaux (The Chemical Brothers, Daft Punk, IAM, Beck, The White Stripes, Steriogram, The Vines, Björk, Oui Oui, The Polyphonic Spree, Massive Attack, Etienne Daho, Michael Andrews & Gary Jules, The Rolling Stones) et à ses succès au box-office, a bénéficié d’importants moyens de production. Ce long métrage a pour sujet le 7° Art et les affres du créateur, incapable, pour diverses raisons, de mettre fin à son « work in progress ». Tourné, pour les premières scènes, à Paris (aux Champs-Élysées, là où siégeaient les maisons de production avant leur délocalisation du côté de Belleville), et, pour tout le reste, en Occitanie (dans les Cévennes), notamment à Villemagne, le film n’a rien de rétrograde – on n’est jamais dans l’esthétique « Amélie Poulain ».

Le réalisme le partage avec le surréalisme. Le cadre campagnard, les mouches et les insectes constamment captés par les objectifs de la maison Zeiss, le casting « anti-star » assumé – qui n’est pas poussé jusqu’aux tronches chères à Fellini ou à Mocky –, le jeu naturaliste des premiers rôles se fondant sans heurt à la figuration autochtone ne vise pas à célébrer le « c’était mieux avant » mais, plus simplement, à contraster avec une certaine modernité – celle des anti-dépresseurs, dont il est impossible de nos jours de se priver ; du tout numérique nécessaire au montage ou équipant les studios d’enregistrement, à Londres comme au fin fond du Gard ; le harcèlement des producteurs…

La question des masters (ou du « final cut ») se pose d’emblée et provoque la fuite en avant de l’équipée plus ou moins sauvage, réduite à deux collaboratrices garde-fous et à un assistant monteur bronchiteux. Les pieds nickelés trouvent refuge dans la maison de la tante du protagoniste, subtilement incarnée par Françoise Lebrun – laquelle ne ressemble pas du tout au modèle original, d’après une confidence de l’auteur, ce qui n’est pas plus grave que ça. Le générique, comme Le livre des solutions, est écrit à la main – par Niney, Gondry ou un calligraphe de talent. Ce livre est censé répondre à tous les problèmes pratiques qui se posent dans la vie et dans la fabrication d’un film. Inutile de dire que les recettes proposées par ce tuto sont, les unes, de bon sens, les autres, plutôt farfelues.

Michel Gondry au Centre Pompidou, Photo Nicolas Villodre
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Le bon esprit et la bonne humeur y sont constants. Le suspense ne manque pas. Malgré quelques minutes de trop dans la séquence romantique de l’amourette avec une jeune femme au visage marqué par une cicatrice rappelant la tache de vin de Xavier Dolan dans Matthias et Maxime (2019), le tempo est vif, le ton alerte grâce au caractère survolté du héros, à ses caprices d’enfant gâté heureusement tempérés par la sagesse féminine. Les gags sont nombreux et de tous genres – visuels, sonores, de situation. Le caméo de Gordon Matthew Thomas Sumner, bassiste-chanteur anglais presque aussi fameux que McCartney, est étonnant et amusant. À la question : « Ça va ? » concernant sa proposition musicale, notre héros répond : « Pas mal et toi ? ». L’ingénieur du son ne sachant comment brancher le mini-combo radio CD du cinéaste, le musicien sort de derrière les fagots un câble avec un embout jack résolvant le problème technique. Les autres trouvailles comiques sont à l’avenant, qui inscrivent le film dans le sillage d’Hellzapoppin (1941).
Nicolas Villodre
SORTIE EN SALLES : 13 septembre 2023
CLIPS
 Réalisés par Michel Gondry : 
The Chemical Brothers - "Let Forever Be" — Daft Punk - "Around the world" — IAM - "Je Danse Le Mia" — Beck - "Deadweight" — The White Stripes - "Fell in Love with a Girl" — Steriogram - "Walkie Talkie Man" — The Vines - "Ride"  — Björk - "Declare Independence" — Oui Oui - "La Ville" — The Polyphonic Spree - "Light & Day" — Massive Attack - "Protection" — Etienne Daho - "Les Voyages Immobiles" — Michael Andrews - Gary Jules - "Mad World" — The Rolling Stones - "Like a Rolling Stone" — 

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