Visuel proposé par la compagnie |
Le public entre tranquillement dans la salle. À droite, se trouvent les gradins, où il va s'installer. À gauche, le plateau, vaste étendue vide plongée dans la nuit. On est à Micadanses (Paris) lors du festival de danse Faits d'hiver, à la première française d'une création récente de l'Italien installé à Genève (Suisse) Marco Berrettini, El Adaptador. C'est d'ores et déjà l'un des moments forts de la manifestation qui vient d'atteindre sa 26° édition.
On distingue au sol quelques cercles concentriques qui peuvent suggérer l'emprise d'un circuit automobile pour enfants. Quand la lumière se fait, il est possible d'y voir plutôt un désert, peut-être une steppe, où deux indiens évoluent. À vrai dire ils sont habillés en toreros, dans leurs habits (moulants) de lumière comme l'on dit, d'un puissant violet avec ses broderies blanches très travaillées. Chaussettes roses intenses du plus bel effet. Le tout est très élégant.
Un homme et une femme. L'homme, masculin certes, ne correspond pas exactement à la définition du mâle alpha classique prêt à tuer la bête sans trop se poser de question-s. Il ne cherche pas non plus à séduire la femme, ou à s'imposer à elle. Bonne nouvelle.
Mais où sont le ou les taureaux demanderont peut-être certain-e-s ? Bonne question. On ne sait pas.
Les deux humains se croisent, s'arrêtent un temps, basculent doucement du bassin de façon sobre, mais aussi assez sexuelle et sensuelle. Nouvelle façon dans l'avenir de faire l'amour sans se toucher, mais avec intensité cependant ? Brièvement.
L'homme lâche quelques jeux de mots légers.
On est à l'air libre. Il n'y a pas de maison. La maison comme métaphore du repli. Peut-être s'agit-il de deux nomades, exposés.
Pendant que dans la dernière création du Ballet national de Marseille - (La)Horde, Age of Content, on se castagne violemment dans la scène d'ouverture, on met ses mains dans la bouche de l'autre pour le tuer dans la scène qui suit, et on baise mécaniquement et pauvrement après, pour clore dans une comédie musicale qui affiche des rictus, ce soir on ne maltraite personne, ni un animal ni un humain. On fait des jeux de mots tranquilles donc, qui ne blessent personne. On fait part de ses perplexités. On énonce la prolifération de nouvelles catégories d'ordres sexuelles (dont polysexuels, etc.), ne sachant qu'en penser (ou n'osant qu'en penser ?).
Soudain, le chorégraphe nous apparait comme un gentil nounours, un gros bébé qui veut que sa maman vienne lui faire des câlins.
La proposition suit son chemin tranquillement et sans temps mort, superbe road movie qui traverse différents paysages. Le public d'une salle pleine semble un peu décontenancé, mais après discussions avec les uns et les autres manifeste un respect du travail.
Il ne s'agit pas de faire le malin ou d'épater la galerie, mais d'essayer d'exister ici et maintenant. C'est peut-être la pièce la plus tendre et émouvante du chorégraphe.
Fabien Rivière
Marco Berrettini, El Adaptador, Micadanses, Paris, Festival Faits d'Hiver, jeudi 1er et vendredi 2 février 2024. En savoir plus
En partenariat avec le Centre Culturel Suisse On Tour.
EXTRAITS de la pièce
Tu es gentil et on te jette des pierres.
Tu es méchant et on te jette des pierres.
Peu importe ce que tu feras, peu importe où tu iras,
Dans la figure pleins de pierres tu t’en prendras (...)
Tu travailles et on te jette des pierres
Tu fous rien et on te jette des pierres
Peu importe ce que tu feras,
tu ne comprendras pas si ce que tu fais est bon ou mauvais
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