Alvin Ailey, 1962. Photo by Jack Mitchell, courtesy of Alvin Ailey Dance Foundation, Inc. and the Smithsonian National Museum of African American History and Culture |
La presque totalité de la salle se lève et manifeste sa joie. Ce n'est pas si fréquent. Nous sommes dans l'immense salle du Palais des Congrès à Paris, où se produit l'Alvin Ailey American Dance Theater, qui n'était pas venue depuis 7 ans. Elle occupe avec son école un immeuble à New York à Manhattan, proche de Central Park.
La compagnie est toujours active 35 ans après la disparition de son fondateur. C'est suffisamment rare pour être noté. Alvin Ailey est né en 1931 dans une famille pauvre. Il se forme à la gymnastique, et rencontre quand il a 18 ans le chorégraphe Lester Horton (1906 - 1953), dont il suit l'enseignement, dans l'un des rares espaces de mixité raciale. Il fonde sa compagnie en 1958 à 27 ans, et meurt du sida en 1989 à 58 ans. Il demande que cette information ne soit révélée qu'après la mort de sa mère. Prolifique, il aura créé 79 ballets. Le New York Times écrit alors : « Vous n’avez pas besoin de l’avoir connu personnellement pour avoir été touché par son humanité, son enthousiasme et son exubérance ainsi que par sa position courageuse en faveur de sa fraternité multiraciale. »
Le programme A associe 2 pièces historiques et 2 créations récentes. Survivors (1986) de Alvin Ailey, ouvre la soirée. On est saisi immédiatement par la puissance émotionnelle de la voix d’Abbey Lincoln (cf photo ci-dessus). La pièce se veut « un hommage passionné au profond courage et la terrible angoisse de Nelson et Winnie Mandela, et plus largement dépeint un portrait de personnes transformées par l’injustice. »
La musique de la soirée est absolument somptueuse, avec Max Roach et Peter Philips, Duke Ellington, Count Basie, Rebirth Brass Band, The Dirty Dozen Brass Band, et Cyrus Chestnut.
Me, Myself and You (2023), d’Elizabeth Roxas-Dobrish est assez bref, qui dure 7 minutes. Soit un beau duo, tendre et doux, manifestement amoureux, entre un solide gaillard torse nu et une femme habillée élégamment.
CENTURY (2023) est la première collaboration d'Amy Hall Garner avec la compagnie, et c'est un coup de maître. Un chef d'œuvre, inspiré par son grand-père à la veille de son 100° anniversaire. Ambiance comédie musicale, où les femmes suggèrent Joséphine Baker, dans des échanges joyeux avec les hommes. L'écriture de la danse est très riche, fluide, comme un fleuve qui coule sans discontinuer, accompagnée par la musique de Ray Charles, Count Basie, et de la Nouvelle-Orléans avec The Dirty Dozen Brass Band.
Solomon Dumas, Khalia Campbell et Samantha Figgins dans Revelations, d'Alvin Ailey, 2021, Photo by Paul Kolnik |
Revelations (1960) de Alvin Ailey, clôt la soirée. C'est une œuvre en trois parties qui traite de l'histoire et de la culture afro-américaines, sur une musique de spirituals, de gospel et de blues. Ailey expliquait qu'il était notamment question « de son enfance dans la campagne texane et de l’Église baptiste. » Se manifeste une certaine joie de vivre, dans une approche stylisée, au sens où est mis à distance ce que fut et demeure la réalité de la violence de la condition noire aux Etats-Unis.
On songe, au loin, au monde tel qu'il est. Cette soirée est comme une oasis dans un désert, bienvenu, où l'on vient se reposer, souffler et se rafraîchir.
Fabien Rivière
—— La portrait qui ouvre l'article fait partie des plus de 10 000 documents photographiques constitués de 8 288 négatifs en noir et blanc, 2 106 diapositives et transparents en couleur et 339 tirages en noir et blanc, que le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines du Smithsonian à Washington (États-Unis) [Smithsonian’s National Museum of African American History and Culture] a mis en ligne à l'occasion du 30° anniversaire de la mort d'Alvin Ailey (le 1er décembre 1989) en 2019. En savoir +
— Il serait opportun de présenter en France le documentaire de la réalisatrice Jamila Wignot, Ailey, qui date de 2021. (lire l'article de Radio Canada > ICI)
< VISUEL
— Programme B :
« composé d’œuvres ayant déjà rencontré un grand succès »,
Following the Subtle Current Upstream [Suivre le courant subtil en amont] (2000) d’Alonzo King (1952 - )
Dancing Spirit [L'esprit de la danse] (2009) de Ronald K. Brown (1966 - )
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