Le Centre National de la Danse (CND) à Pantin (93) organisait ce vendredi 4 octobre de 9 heures à 19 heures une « Journée professionnelle » intitulée « La compagnie de danse : mutations et devenirs » (programme ICI), qui s'est transformée en un exercice de soumission à l'ordre établi, plus précisément à l'acceptation passive des contraintes et coupes budgétaires présentes et futures (effort de 60 milliards d'euros recherché pour l'année prochaine : (1) 41 milliards d'euros d'économies, dont 21,5 d'euros de baisse des dépenses de l'État, et 5 milliards d'euros d'efforts demandés aux communes, départements et régions ; près de 15 milliards d'euros de coupes dans le budget de la sécurité sociale ; (2) hausses des recettes fiscales de 19 milliards d'euros).
Jamais il n'a été question de discuter la nature et le niveau des coupes budgétaires aussi bien du côté de l'État comme des collectivités locales dans le domaine de la culture, et surtout si elles sont légitimes, sans parler de la situation du côté des lieux de diffusion de danse. Aucun programmateur, responsable de collectivités locales ou de l'État n'étaient invités. Aucun député ou sénateur. Aucun économiste ou historien. Et la situation à l'étranger ? Aucun syndicaliste ou homme ou femme politique. Rien. À la place des interventions de spécialistes concernant la danse uniquement alternaient avec des prises de parole de professionnel-le-s. Aucun dispositif systématique permettant au public d'intervenir n'était prévu non plus. Tout a été filmé et sera sur le site du CND, mais aucune date n'est donnée. Combien de temps attendre ? Combien de jours, semaines ou mois ? Mystère.
Par exemple, parlons de l’ancien juge anticorruption Renaud Van Ruymbeke, décédé le 10 mai dernier. Le célèbre magistrat, qui avait pris sa retraite en 2019, s’est éteint à l’âge de 71 ans. Affaire après affaire, de nature politique ou économique, il était devenu le symbole du juge indépendant. Sa carrière avait tôt rencontré le scandale Boulin, durant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981).
« Il y a énormément d’argent à nos portes et personne ne fait rien », regrettait encore le magistrat, en novembre 2022, dénonçant l'affaiblissement corrélatif des services publics, et notamment la Culture. Il avait appelé à « la nécessité de prise de conscience », « au moment où les Etats ont des déficits importants, de gros besoins pour les hôpitaux, pour la transition énergétique » (source : Libération).
Dans notre article Quels choix politiques pour la danse à Montpellier ?, nous écrivions : « (...) on rappellera que les estimations quant à la fraude fiscale en France, par an, varient de 50 à 120 milliards (Rapport, Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, 2022, n°292, annexe n°26, p. 7, ICI). Qui précise : « Les effectifs du contrôle fiscal ont diminué de plus de 4.000 personnes depuis 2010, dont 1.600 depuis 2017. » »
On mesure ainsi le caractère profondément mensonger des discours sur "les déficits" d'un libéralisme autoritaire, et de la nécessité de coupes budgétaires dans les services publics et les budgets sociaux. On ne peut que constater l'ensemble des dégâts sociaux qu'ils provoquent, comme la montée en puissance du Front National devenu Rassemblement National. Ainsi, une fois de plus on constate les effets néfastes de l'entre-soi "professionnel". La soumission à cet "ordre" néo-libéral n'est pas seulement une erreur, c'est une faute.
Fabien Rivière